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Baisse de la TVA pour la restauration, entre opacité et visibilité

Par Thierry Poupard

Il semblerait acquis que le taux de TVA soit bien ramené à 5,5% pour la totalité du secteur de la restauration. La profession qui le réclame depuis la fin du siècle dernier devrait être très satisfaite. En juillet 2004 Jacques Borel, Président du Club TVA, annonçait la création de 16.000 emplois en 18 mois, 8.000 pour les chaînes et autant pour les indépendants. Mieux, André Daguin, alors Président de l’UMIH soutenait que ce serait 40.000 emplois ; pas moins. Et l’ensemble de la profession s’était engagée sur une arithmétique d’affectation par tiers : 1/3 pour l’emploi, 1/3 pour les investissements et 1/3 pour la baisse des prix. Rien pour les profits !

Seulement voilà : la crise est depuis passée par là et les bénéfices à en retirer pour les acteurs du métier comme pour les consommateurs sont loin d’être aussi clairs qu’ils ne le furent. Maintenant que la baisse est officialisée ces promesses mirifiques se délitent et on nage plutôt en eaux troubles.

Christine Pujol, dorénavant à la tête de l’UMIH, ne parle plus de création d’emplois mais dit que ça permettra de ne pas en supprimer. Et ce sont des milliers d’embauches annoncées qui sont gommées d’un coup. Vu la situation actuelle de la restauration, il y a, fort à penser que nombre de restaurateurs vont, eux aussi, oublier leurs bonnes intentions et affecter le gain obtenu au redressement de leurs finances. D’autant plus que, comme l’a déclaré Eric Woerth, ministre du Budget, la baisse de la TVA sera compensée par un relèvement des charges du secteur dont la diminution était destinée, justement, à soutenir temporairement le secteur dans l’attente de cette baisse. Que restera-t-il au bout du compte ? Il y a même des restaurateurs et des syndicalistes pour se déclarer dorénavant hostile à cette uniformisation des taux.

Vient ensuite l’aspect médiatique de ce dossier et son impact sur le grand public. Il n’y a pas de semaine ou de jour sans un reportage sur le sujet, privilégiant le spectaculaire au stratégique et la confusion à la pédagogie. Une enquête mise en ligne le 11 mars sur lefigaro.fr révèle que 85,65% des sondés ne croient pas à une répercussion de la baisse de la TVA sur les prix. Les annonces faites par les professionnels n’ont pas été entendues, c’est clair.

Si la situation reste dans l’opacité on peut douter qu’elle se traduise par les effets positifs attendus et toute cette opération n’aura été qu’une gigantesque perte de temps et d’énergie. Si, par contre, elle donne une véritable marge de manœuvre à la profession il faudra que ça se concrétise dans les faits et dans les chiffres.

Faut-il baisser les prix ? C’est un des pré requis de Nicolas Sarkozy pour que le taux soit ramené à 5,5%. Si la baisse est uniformément ventilée sur l’ensemble des produits de la carte, le consommateur ne verra pas grand chose. A contrario, si le restaurateur diminue très sensiblement le prix de quelques produits phares – des produits connus et qui ont du succès, pas des produits marginaux dont le client n’a que faire – et s’il rend cette baisse bien visible par une forte mise en avant et une communication telles que cela ne pourra échapper à la clientèle, celle-ci se sentira bénéficiaire de la mesure. Et cette stratégie ne manquera pas d’exercer des incidences positives sur la fréquentation.

Est-il préférable de rééquilibrer le compte d’exploitation ? Oui pour un établissement qui est en péril car tout bon entrepreneur a le devoir d’assurer la pérennité de son entreprise, mais pas s’il s’agit de gonfler les recettes pour acheter une luxueuse berline allemande. Les clients penseront que c’est le restaurateur qui, seul, empoche la mise et, en l’absence de nouveaux signes d’attractivité, le volume d’affaires ne progressera pas.

Faut-il mettre la priorité sur le personnel ? C’est le deuxième engagement souhaité par le Président Sarkozy. Cette hypothèse n’a d’intérêt que dans la mesure où ses effets se voient clairement : meilleur accueil, attentes réduites, service plus efficace et plus rapide, meilleure qualité, nouvelles recettes, propreté exemplaire, vestiaire, etc.

Et l’équipement cuisine ou salle et le confort ? Intéressants également sous réserve qu’ils procurent un plus notoire à la clientèle. En toute hypothèse il faudra faire des choix.

La situation étant bien différente d’un établissement à un autre, il n’y a pas de stratégie unique, ni de bonne ou de mauvaise stratégie. La première certitude est que, même s’ils n’y croient pas vraiment, les consommateurs attendent cette baisse des prix parce que, d’une part, une diminution d’un taux de TVA est toujours synonyme d’une baisse des prix (comme ce fut le cas récemment dans d’autres secteurs d’activité) et que, d’autre part, la raison principale de leur moindre fréquentation des restaurants est le niveau des prix jugé trop élevé auquel est venue s’ajouter la réduction – avérée ou virtuelle – de leur pourvoir d’achat.

La seconde certitude est que sortiront vainqueurs les établissements qui donneront des signes forts au consommateur que ce soit en termes de prix ou de service ou des deux. D’ici la fin de l’année, il reste assez de temps pour faire les calculs qui s’imposent et décider de la stratégie à adopter.

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