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La Baisse des prix aura-t-elle lieu ?

Par Thierry Poupard

Une journée ne suffit pas à se faire une opinion sérieuse sur l’application du contrat d’avenir décidé lors des Etats Généraux de la restauration, mais l’impression qui ressort de ce premier jour de mise en place est pour le moins décevante. Les différents sondages antérieurs au 1er juillet révélaient que le consommateur était dubitatif quant à voir les prix baisser tandis qu’Hervé Novelli estimait le 30 juin qu’entre un et deux établissements sur trois le feraient.

Personnellement, j’ai effectué un rapide tour dans Paris qui m’a laissé pantois : où sont passées les 110 000 vitrophanies qui ont été distribuées. À peine 5% des établissements que j’ai vus les avaient apposées, hormis les chaînes, bien entendu. Quant aux établissements qui ont bien appliqué la baisse des prix, c’est par manque de communication qu’ils pêchent : pas d’affichette, pas de chevalet de table, pas de signalétique sur le menu autre que les prix timidement barrés, pas de phrase incitative. En dehors des chaînes, encore une fois, qui ont mis en place une profusion de PLV à la limite du raisonnable. L’excellent reportage réalisé par HR-infos est très édifiant, de même que tous ceux vus sur les chaînes de télévision. La première impression laisse un goût bien amer, comme toute promesse non tenue, et ne manque pas de soulever des questions et de poser des problèmes.

Pour rappel, les engagements ont été pris par la totalité des organisations professionnelles, ce qui induit, logiquement, que 100% des restaurants de France se sont engagés à baisser de 11,8% les prix d’au moins sept produits ou plats majeurs. Mais alors, quelle est la représentativité des syndicats patronaux si leurs recommandations ne sont suivies que par une infime minorité de leurs adhérents ? Seuls les syndicats des chaînes thématiques et de la restauration rapide ont été totalement écoutés par leurs membres. Selon l’attitude choisie, le paysage de la restauration va revêtir trois typologies :

Les chaînes et les établissements dynamiques, faisant partie d’un groupe ou non, savent que baisser les prix est un signe de reconnaissance vis-à-vis de leur clientèle. Elles atteindront l’objectif évident – que certains n’ont toujours pas compris – qui consiste à profiter de l’effet de levier tant attendu d’une baisse des prix aussi importante. Et comme le nombre de repas pris à l’extérieur n’est pas extensible à l’envie, ces enseignes vont accroître leur part de marché au détriment d’une concurrence inorganisée, elles vont, pour certaines, sortir de leurs difficultés financières, se renforcer à l’aide de cette opération et sortir de la crise plus vite que les autres.

Les indépendants qui sont volontaires mais en difficulté ne peuvent pas vraiment baisser leurs prix. Ils vont s’octroyer une bouffée d’oxygène instantanée qu’ils ont intérêt de mettre à profit pour redresser la situation au plus vite. Car, leurs prix n’étant pas plus attractifs, il n’y a aucune raison que leur fréquentation se redresse, et l’amélioration n’aura été que très temporaire.

Les établissements de taille petite et moyenne, dépourvu de sens du client car on y est le plus souvent mal accueilli, qui préfèrent se mettre dans la poche les 11,8% qu’ils ne reverseront plus à l’Etat vont porter atteinte à la moralité de la profession dont l’image n’est déjà pas toujours reluisante. Non seulement ils détournent l’argent de leur clientèle à leur profit mais, avec cette attitude, ils enrichissent indirectement les établissements les plus fréquentés et les chaînes. Pire, ce sera grâce à eux que l’Etat décidera peut être, un jour, de relever le taux de TVA…

Si les retardataires ne s’y mettent pas au plus vite, cette opération, qui n’a jamais eu lieu et qui ne se reproduira plus jamais, n’aura été qu’une coûteuse tempête dans un verre d’eau. Pourtant l’enjeu est de taille et le challenge difficile, puisqu’il a de multiples facettes (financière, morale, sociale), mais pas inatteignable car il suffit de se rendre plus attractif afin d’augmenter suffisamment le trafic pour compenser voire dépasser le léger manque à gagner occasionné par la baisse des prix dans le mix des ventes globales.

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6 Responses

  1. Bravo Thierry pour cette analyse que je partage.
    Ma seule remarque est la suivante : les engagements pris par les organisations professionnelles ne peuvent engager que les adhérents de ces organisations.
    Beaucoup de petits restaurateurs n’adhèrent à aucune organisation et peuvent ne pas se sentir concerner par les engagements pris par d’autres.
    A contrario, les organisations qui se disent représentatives de la profession ont intérêt à bouger car si les engagements devaient être aussi peu suivis que ce que vous avez pu constater, ayant fait la même observation de mon coté, on serait en droit se s’interroger sur la vraie représentativité des organisations qui se déclarent représentatives de la profession…
    Bien cordialement,

  2. Eric SENET

    J’espère faire partie de la première catégorie…Chez Flam’s, nous avons baissé 48 produits de 11.8%,mais je suis plus optimiste car je crois que les consommateurs sont malins et qu’ils représentent une force considérable;mon pronostic est qu’ils vont voter avec leurs pieds et privilégier les établissements qui jouent le jeu et sanctionner les autres
    Cordialement
    Eric

  3. Thierry Coupé

    Quelques petites remarques.
    1) tous les syndicats de la profession n ont pas pas signes cet accord
    2) certaines aides sont supprimées
    3) je n ai pâs encore vu en details comment les declarations en double TVA vont se faire mais je pense que les services fiscaux n hesiteront pas a controler les entreprises qui declarerons des TVA reduites.

  4. Bonjour Thierry,

    Je me disais bien que tu n’allais te faire que des amis avec ton article. Voila que les amis de tes amis s’y mettent!

    La profession est bien malade; Comment la France fait-elle pour rester la toute premiere destination touristique dans ces conditions? A moins que ce ne soit a cause de ca qu’elle se laisse porter dans une certaine mediocrite complaisante?

    Ah! le service sud-oriental… encore mieux que celui des americains.

  5. denis maquin

    Qu’attendiez vous donc ?
    Depuis le temps que je travaille dans ce secteur d’activité, j’ai bien compris que les restaurateurs indépendants sciaient la branche sur laquelle ils sont assis avec un enthousiasme louable!
    Mais peut être n’est ce pas tout à fait de leur faute!
    En effet, tout le monde peut créer son propre restaurant sans avoir reçu aucune formation digne de ce nom et l’on constate que la très grande majorité des restaurateurs considère leur activité comme une activité de « produit » et non comme une activité de « service », considèrent que la TVA est une charge et non un impôt à la consommation etc…
    Avant de baisser la TVA une information réelle aurait du être réalisée auprès des restaurateurs afin de les sensibiliser sur le FORMIDABLE cadeau que leur font les contribuables et non de le considérer comme un « du »

  6. Laurent Porte

    Je suis petit restaurateur indépendant et qui dit indépendant dit : Gérer seul tous les paramêtres qu’une chaine gère avec un service pour chaque étape de gestion (Achat, Marketing, Personnel, investissement ..notamment !)
    Il y a déjà un MONDE entre les deux façons d’aborder la profession …

    L’indépendant met son coeur, son argent (ou celui de la banque dont il est caution), sa sueur, son temps …. c’est bien souvent un pationné !!

    La reconnaissance de son travail est liée à la fréquentation de son établissement bien entendu .. et s’il perd de l’argent, soit il rebondit en se remettant en question..soit il périclite (laissant derrière lui amertume et parfois des années d’investissement personnel).

    Bref c’est un peu le commerçant de proximité …

    Il est bien évident que la baisse de la TVA va lui profiter à court terme ..il s’agit de savoir quelle utilisation en faire !!
    Nombre d’entre nous ont une trésorerie fragile depuis plusieurs mois ne l’oublions pas …
    (raison à mon sens de la précipitation de l’application de cette taxe réduite avant même son vote au parlement)

    L’inertie sera évidemment fatale à la majorité d’entre nous.

    Pour ma part l’idée des 7 produits sur 10 et l’autocollant National ne recueille pas mon adhésion.
    (Celà n’a pas été fait en sont temps pour les fleuristes, le batiment ou

    J’ai fait le choix :
    – de baisser l’intégralité des formules menus/plats proposés de 5 à 8 %.
    – de communiquer un petit peu via mon fichier Mail.
    – de faire le point fin septembre des effets de cette baisse sur la marge.

    N’étant pas d’un naturel vénal, je préfère néanmoins avoir une poire pour la soif avant de m’engager …

    – A augmenter bien entendu les salaires (je milite depuis longtemps pour un SMIC à 1.500 € net avec des charges sociales plafonnées sur la base du smic actuel), cela se retrouvra dans l’économie et non dans les paradis fiscaux !!

    – A refaire ma cuisine à l’identique de toutes celles que l’on voit dans les salles des fêtes municipale et dont certaines n’ont rien à envier à des établissement haut de gamme !

    Pour finir, l’ère du client « cochon de payeur » est définitivement terminé ..celui ci est maintenant avisé et très peu dispencieux. Par contre il reste attaché à la notion d’accueil et de plaisir…bref il reconnait et sanctionne par lui même les établissements dont il foule (ou refoule^^)le sol ( indépendant ou de chaine)…

    Le sujet est très vaste et quand le ministère du Bonheur remplacera celui de l’économie tout ira mieux
    (on peut rever un peu non ??)

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