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Le low cost « m’a tuer »

Par Thierry Poupard

Il n’y a pas une semaine, pas un jour qui ne révèle une sombre affaire de viandes aux circuits d’approvisionnement improbables, un délit de malbouffe, une tromperie sur la marchandise, une non conformité des étiquettes… Et les industriels concernés se disent non coupables, non responsables, juste trompés.

Bœuf chevalin et autre déviances

Peu après l’affaire des lasagnes au cheval, j’ai lu que Findus avait eu une excellente stratégie de communication avec sa réaction extrêmement rapide plutôt que de se retrancher derrière le mur du silence. Sauf que, dans ses communiqués, l’entreprise a copieusement chargé son fournisseur. A mon avis, c’est l’effet est désastreux puisque c’est faire l’aveu qu’une grande entreprise industrielle comme celle-là ne jugeait pas nécessaire de pratiquer des tests, sinon systématiques du moins aléatoires, sur la « matière première » qui lui est livré. Et qu’elle fait une confiance aveugle dans une filière dont on a découvert les sources floues, les intermédiaires multiples et les méandres inextricables. Opacité totale chez Findus ! C’est comme cela que l’on perd la confiance des consommateurs. 

Circuitviandecheval

L’anti-local, l’anti-tendance « locavore ». (Source lemonde.fr)

 

Les prix cassés tuent la qualité

Mais Findus n’est pas un cas isolé. La liste des distributeurs et industriels aux produits douteux s’allonge de jour en jour. Pourquoi ? Sans doute parce que le mouvement de fond est aujourd’hui de produire des produits aux prix de revient le plus bas possible et de les vendre toujours en plus grande quantité. Toute la grande distribution communique à l’unisson sur des prix imbattables, sur un offert pour deux achetés, sur x Euros en avantage carte et autre sérénade incitative à une consommation de piètre qualité. On parle de cartes de fidélité mais ce sont toutes des cartes de discount. On fidélise, soi disant, non plus par une marque et encore moins par une qualité mais par une remise, un prix cassé, un pseudo « avantage » client. Les promoteurs de la fidélisation s’évertuent à vider le terme de son sens. Ils ne voient que le court terme, ils ne construisent rien.  

Trop de labels tuent les labels

Curieusement, le secteur de la restauration est resté bien silencieux lors de ces affaires véreuses. Un communiqué ici ou là pour dénoncer de telles pratiques mais pas un mot sur l’approvisionnement du secteur. Il faut dire que l’opacité y règne bien souvent. Le problème est que la diversité et la disparité des restaurants est gigantesque. Il est vrai que mettre un fast food et un étoilé sous la même appellation de restaurant relève d’un très grand écart. Pour remédier à cela, moult labels, macarons, distinctions, diplômes, associations sont venus s’empiler les uns sur les autres sans que rien ne soit fait pour en expliquer les tenants et aboutissants au consommateur. Grave manquement de communication de la part des syndicats professionnels ! D’aucuns militent aujourd’hui pour réserver le terme de restaurant aux seuls établissements qui préparent, transforment, cuisent, élaborent des plats sur place. Un peu à l’instar des boulangeries qui ne peuvent afficher ce nom que si le pain est fabriqué sur place. Ce qui n’empêche pas les déviations, comme la vente de croissants surgelés ou la mise en avant de « pâtisseries fines » par les terminaux de cuisson. Et si de mauvais esprits pensent que ce serait une bonne loi anti McDonald’s, ils se leurrent au plus haut point. Comme si cette enseigne avait besoin du qualificatif de restaurant tant sa notoriété est immense et son offre connue.

A pratiquer le hard discount la restauration se tire une balle dans le pied

En fait, le consommateur n’a guère plus de trois repères pour apprécier un restaurant : le guide Michelin dont le jugement des enquêteurs n’est jamais remis en cause, les très grandes chaînes de restauration aux normes bien connues et les quelques restaurants de quartier qu’il fréquente parce qu’il les connaît et les apprécie. Pour le reste, c’est le flou intégral entre l’ordre des occurrences des établissements sur Google, les avis d’internautes sur Tripadvisor ou les recommandations de sites spécialisés. Et voilà que la restauration a attrapé la maladie du low cost ou du hard discount avec tant de sites qui proposent des repas à -50% ou plus. Soit ces offres sont liées à une réservation, auquel cas, le risque peut être géré par une fine gestion de ces réservations, soit elles émanent de sites d’achats groupés et, là, ce sont des coups de promotion extrêmement risqués pour le restaurateur plutôt en perdition. Je l’ai écrit à maintes reprises à propos de Groupon comme dans cet article http://www.service-attitude.com/groupon-offres-restauration/

Il va falloir choisir entre prix bas et qualité

Que va-t-il advenir de notre alimentation ? Je ne suis pas expert auto-proclamé et encore moins devin, mais on peut émettre des hypothèses : la première est que tout va rentrer dans l’ordre (industriel) une fois l’orage passé, le consommateur reprendra ses habitudes. En attendant, toutes les enseignes et chaînes de restauration dont le produit principal est le bœuf souffrent d’une nouvelle baisse de fréquentation. La conjoncture économique actuelle favorise, malheureusement, la recherche des prix bas. La seconde pourrait être une espèce de ras le bol vis à vis de l’opacité qui entoure les matières premières. Le bœuf à la consistance chevaline n’est qu’un début : attention au poulet, au poisson d’élevage qui va pouvoir être à nouveau légalement gavé de farines animales, au lait, etc. Le consommateur pourrait se détourner des produits industrialisés et rechercher la qualité. Les ventes des boucheries de quartier ont progressé de 10%, paraît-il, depuis l’affaire Findus. Mais la qualité a un prix et ne peut, en aucun cas, être low cost ou discountée. Mais il n’y aura plus de position intermédiaire, le consommateur n’alterna pas entre un « repas industriel » très bon marché un jour et un « repas frais » de qualité le lendemain. Il faudrait faire avec l’alimentation ce qui a été fait avec le vin : la piquette a disparu, les viticulteurs font du meilleur vin et le consommateur en consomme moins mais il est de meilleure qualité. Et le plaisir augmente. 

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Pour la restauration il en ira de même : soit l’établissement ou la chaîne se positionne sur le segment économique ce qui implique une industrialisation à outrance des approvisionnements et du process, soit elle opte pour une offre de qualité avec des produits frais, bios, de saison, un approvisionnement local, des viandes de race, des légumes sans pesticides. Pour revenir aux labels, celui de Maître Restaurateur pourrait préfigurer cette segmentation entre les restaurants qui élaborent sur place leurs plats avec une majorité de produits frais et les autres. Ce label est simple, il a le mérite d’exister et il est accessible à un très grand nombre d’indépendants, voir de chaines. Mais il présente une double faiblesse : il est teinté d’une connotation politique, celle de son initiateur et il est jalousé par ceux qui n’ont pas participé à sa création. Alors il est critiqué.

Le consommateur doit augmenter son budget alimentation

Aujourd’hui, l’alimentation représente 12% de notre budget contre 25% en 1960. Si l’on veut bien ou mieux manger il va falloir arbitrer et réduire certaines dépenses nouvelles : ne pas changer de téléphone portable tous les ans et réduire sa consommation effrénée, se désabonner de chaines de télévisions superflues, moins utiliser sa voiture, ne pas se ruer frénétiquement sur les soldes, ne pas laisser le robinet d’eau chaude couler inutilement, fumer moins ou, mieux, arrêter. Ainsi, on pourrait un peu augmenter notre budget alimentation ce qui, par ailleurs, serait bien meilleur pour notre santé.

La restauration ne peut camper sur ses acquis  

Dans les pays aux économies avancées on consomme beaucoup trop de bœuf, de porc, de poulet. Dans d’autres contrées où les peuples sont pauvres la seule protéine animale fréquemment consommée est constituée d’insectes, mangés crus ou cuits. On en trouve d’ailleurs dans les plats de certains restaurants en Asie. Ne prenez pas un air dégouté, vous manger bien des escargots… Il y a profusion d’insectes, c’est très nourrissant et il y fort à penser que l’on va en faire l’élevage. Sans en arriver là, soit on est pour l’alimentation mondialisée, soit on est pour l’alimentation raisonnée. Est-il préférable de manger en janvier une pomme impeccable couverte de pesticides ou une autre, en été, qui a reçu le coup de bec d’un oiseau gourmand sur sa surface ?

On pourrait parler aussi du trop de calories consommées, de surpoids, d’obésité qui viendraient ajouter des arguments supplémentaires en faveur du manger moins et manger mieux, en faveur du dépenser plus pour une meilleure qualité. Le prix d’un repas est un facteur de décision, ce ne doit pas être le seul motivateur à l’achat ou a une sortie au restaurant. Le restaurateur a pour obligation de redonner envie au consommateur de venir chez lui par l’accueil, le service, l’ambiance, le confort… et la qualité de ses produits. A défaut de quoi, s’il se laisse enfermer dans la spirale infernale de la réduction des coûts et des prix toujours plus bas (et pour paraphraser le fameux écrit à l’accord grammatical erroné que tout le monde connait) il ne lui restera qu’à dire le low cost m’a tuer.

 

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3 Responses

  1. Pas normal toutes ces marchandises qui font des milliers de kms pour revenir à leur point de départ et tous ces intermédiiares qui opacifient les circuits.
    Combien pourrait être réinvestis dans la qualité si ces tonnes de viande (et autres…) ne faisaient pas tous ces kms inutiles !
    Voila une question à ce poser.
    Il faudrait peut-être arriver à taxer de façon écologique tous ces circuits inutiles.

    Sinon, bien votre blog !

  2. Pingback : snacking, qualité, | Service Attitude

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