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Pourquoi faut-il se méfiez des « grocerants » ou « restaurettes »

Par Thierry Poupard

Dans le « Guide pratique du vin en cinquante questions-réponses » à la page 118 l’auteur Anne Orliac pose la question de savoir pourquoi les vins sont aussi chers au restaurant. Sa réponse est claire: « Parce que les restaurants ne font pas ou peu de bénéfices sur la nourriture. Les marges sont donc réalisées sur les à-côtés, comme l’eau minérale, le café ou le vin. Du coup, dans ces établissements, le prix hors taxes d’une bouteille est en général multiplié par un coefficient allant de 3 à 10 avant service ».

Cela n’a rien d’une révélation, mais à la réflexion, on se dit que la restauration porte en elle les gènes de sa faiblesse et que le système est ambigu, voire vicié. L’activité principale du restaurant consiste à ajouter de la valeur à des ingrédients (plus ou moins) bruts pour concevoir, préparer, cuire et servir de bons plats. Même un hamburger nécessite de mettre en place, de cuire, de toaster et d’assembler le tout pour mettre le produit dans une boite, alors que le gobelet de Coca se remplit seul en appuyant sur un bouton. La restauration demande du temps et du talent et, par ailleurs, c’est la raison même de la venue du client. Mais si elle ne rapporte quasiment rien alors que la vente des produits complémentaires servis en quelques secondes fait gagner beaucoup d’argent, c’est tout le système qui fonctionne à l’envers.

Fort de ce constat, certains professionnels se sont dits que moins il y aurait de transformation et de préparation du solide, plus son processus de vente se rapprocherait de celui des liquides, c’est à dire avec une rentabilité sensiblement supérieure. Des chaînes se sont essayées à la nourriture sous vide livrée qu’il suffisait de réchauffer, mais le consommateur n’a pas vraiment apprécié lorsque le pot aux roses fut révélé dans les media. Si l’industrialisation – oui, c’est bien de cela dont il est question puisque la préparation qui n’est plus réalisée artisanalement sur le point de vente l’est mécaniquement dans une usine – n’a pas percé en restauration traditionnelle, elle se répand rapidement dans la restauration rapide. D’où la multiplication des armoires réfrigérées en self service et, désormais, l’émergence de « restaurant » où l’unique personnel en salle est une caissière.

Aux Etats-Unis il existe pléthore de ce type de points de vente, des « grocerants » – de la fusion des termes grocery store (épicerie ou supérette) et restaurant – qui, tous, sont des émanations de groupes et d’enseignes de GMS. En France, on pourrait les nommer selftaurants, épicerants ou restaurettes… Ce sont les Daily Monop, Chez Jean et autres Relay pour ne citer que les principales chaînes auxquelles il convient d’assimiler les rayons de prêt-à-manger / prêt à réchauffer des grandes surfaces ; des lieux où il n’y a de service que celui devant être fait par le client lui-même, mais où l’on promet fraîcheur, qualité, naturalité, goût, etc. Cette forme d’alimentation hors domicile est pertinente vis-à-vis de la réduction du temps disponible pour le déjeuner en semaine et, à la rigueur, elle pourrait aussi l’être si les prix étaient réduits proportionnellement à la destruction des temps de préparation / cuisson et de service. Hélas, c’est là que le bât blesse car la dépense moyenne y est du même niveau que dans un restaurant rapide « normal ». Alors, gageons que, pour elles, ces chaînes réalisent d’énormes profits. Mais nous ne sommes pas aux Etats-Unis où l’intérêt culinaire se focalise exclusivement sur des émissions TV, où, à la maison, on ne cuisine pas mais simplement assemble et réchauffe, où l’on mange de tout et à toute heure.

Les grocérants ou restaurettes ont pour unique fonction de restaurer puisque l’on n’y parle plus de part de marché mais de part d’estomac. Je fais partie de ceux qui souhaitent que la restauration demeure un plaisir et qui pensent que ce plaisir passe par la qualité du service. Donc, lorsqu’il n’y a plus de service il n’y a plus de plaisir. Presque un syllogisme… Il suffirait d’augmenter le prix des plats préparés dans le restaurant au niveau de leur juste valeur et de réduire très sensiblement le prix de ce qui est servi tel que livré par les fournisseurs. La dépense moyenne ne varierait que peu mais la vraie valeur ajoutée serait justement payée.

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