Le modèle économique de la restauration traditionnelle doit évoluer
Par Thierry Poupard
Crise économique ou pas, taux de TVA à 19,6% ou à 5,5, force est de constater que ce sont essentiellement les créations de nouveaux établissements qui apportent un peu de dynamisme au métier et/ou à la manière dont il est exercé. Car pour l’immense majorité des restaurateurs, une immuable routine fait loi. Or, il n’en est pas de même pour le consommateur qui, lui, vit les changements et adapte son comportement en conséquence.
La baisse du pouvoir d’achat n’a fait qu’accroître la perception de cherté des restaurants et réduit leur fréquentation, l’interdiction de fumer n’incite pas les clients à traîner, les contrôles d’alcoolémie limitent la consommation de vin, la généralisation des machines à café en entreprise rend hors de prix l’express du restaurant, la prolifération en GMS des plats cuisinés micro-ondables en portion individuelle à apporter au bureau est une alternative très économique à un plat du jour, etc. Face à cela, les cartes des restaurants n’évoluent guère, les prix n’ont pas diminué, ou si peu, les offres semblent figées, le statu quo est la règle. Or, lorsque l’environnement change, il n’y a pas d’autre alternative à l’adaptation ; les dinosaures en sont une preuve.
A reproduire les habitudes du passé on ne peut espérer obtenir rien de mieux que les résultats du passé. Il est donc plus qu’opportun de revoir certains fondements du modèle économique de la restauration. Je lisais récemment un dialogue entre deux restaurateurs éminents membres de l’Umih à propos de la baisse de consommation de vin dans leurs établissements respectifs : le premier n’exprimait que lamentations à propos des charges, des taxes, des prix des fournisseurs alors que l’autre avait tout simplement diminué par deux les prix de son offre de vins au verre et disait n’en avoir jamais autant vendu. « Suicidaire » lui rétorqua le premier… Non, stratégie d’adaptation habile tel un caméléon.
Une étude de l’Association de la Presse du Vin indiquait, déjà en 2006, que le prix était, après les contrôles d’alcoolémie, le deuxième frein à la consommation de vin dans les restaurants. Il faut cesser de se voiler la face : si le vin est-il si cher au restaurant c’est parce que la profession a, depuis toujours, habitué les clients à ne pas payer la nourriture à son vrai prix et que les restaurateurs doivent donc faire la majorité de leur marge sur le vin et autres boissons (dont la café). En fait, le vin, cette vitrine du bon goût français, est pour le moins sujet à des pratiques opaques. Il parait même que les contrôleurs des impôts considèrent que le coefficient moyen doit être de 3 et que, s’il est inférieur, ils appliquent souvent un redressement ! Le traditionnel « pichet », le premier prix, est de provenance incertaine, rarement bon et parfois imbuvable et lorsque l’on monte dans la carte beaucoup de vins d’AOC régionales sont mauvais ou médiocres mais vendus à des prix exorbitants avec des coefficients de 5 ou 6, voire au-delà.
Le système des coefficients participe au déclin de la consommation de boissons dans les CHR car il ne revêt, dans l’esprit de ses praticiens, aucune capacité d’adaptation (- « Quoi, baisser mon coefficient ?!! ») L’alternative serait de raisonner en marge pour que la fixation des prix relève d’une stratégie marketing plutôt que comptable. Idéalement, un restaurateur devrait pouvoir vendre ses produits en fonction de leurs coûts à l’achat (ceux des ingrédients et des composants ou du produit prêt à servir) et de la valeur plus ou moins élevée qu’il y ajoute : temps de mise en place, de préparation, de cuisson de présentation pour les plats, temps de débouchage pour le vin. Le solide serait vendu plus cher et les liquides à peine plus que le prix coûtant, reflétant ainsi, en toute transparence, la réalité du métier. Impossible, infaisable ? La question mérite d’être étudiée avec de sérieuses simulations chiffrées (assurément plus utile à la profession que les bagarres rue d’Anjou)… Je sens les regards incrédules, inquisiteurs même. Rien de plus normal quand il s’agit de remettre en cause les acquis, néanmoins souvenons-nous que les chercheurs qui ont cru en la rotondité de la terre étaient jugés comme hérétiques mais que, quasiment du jour au lendemain, ils furent encensés et couverts de gloire parce qu’ils avaient élargi l’horizon des hommes.
P.S. Sans aucun rapport, n’oubliez pas que l’association Restaurants Sans Frontières est sur Facebook depuis peu et également sur Twitter.
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Il est aisé de tirer sur les « ambulances » & d’avoir des révoltes de « nanti » mais au delà des mots & des généralités qui restent des généralités on ne bâtit pas un modèle économique sur des mots.
Vous donnez facilement des leçons & nous sommes prêts à les recevoir à une condition que celles ci soient recevables.
Puisque vous parlez de modèle économique, l’aspect social des structures de coûts ne doit pas vous être étranger, il serait important de lister les facteurs d’inflation.
A vous lire, je suis désespéré car je constate, une fois de plus les leçons d’un conseilleur qui n’apporte rien dans un contexte « triste ». Ne pouvez vous pas fêter l’esprit d’Entreprise & d’audace celà rendrait vos écrits plus rythmés & incitatifs à l’action alors qu’en vous lisant j’ai l’impression de lire une résolution de la rue de Solférino adoubée par Mrs AUBRY.
Je souhaite que vous preniez ces quelques lignes dans un esprit positif; non nous ne sommes pas des « salauds de patrons », non nous ne sommes pas des bêtes à cornes incultes, la preuve ? + de 750 000 emplois pour + de 200 000 entreprises. Si vous le souhaitez, rejoignez nous & vous verrz ainsi que ce n’est pas facile.
Avec mes sentiments respectueux & dévoués.
JEAN – Pierre CHEDAL
Bar à Huîtres
Je voudrai répondre à M. Jean-Pierre CHEDAL qui tient des propos très pertinents en ce qui concerne les coûts mais aussi lui dire que l’article de M. POUPARD touche un vrai problème. Et ce n’est pas en conseiller que je me situerai, mais en apportant des solutions concrètes.
M. CHEDAL dit » l’aspect social des structures de coûts ne doit pas vous être étranger, il serait important de lister les facteurs d’inflation ».
S’il n’est pas question de lister les facteurs d’inflation, on peut tout de même proposer des améliorations qui ne coûtent rien mais qui au contraire allègeraient les charges.
Je m’explique: Vous avez du personnel qui a un coût (très élevé) et un service qui pourrait s’améliorer dans le but d’améliorer votre CA.
Accueillir un client avec le sourire, prendre en charge ce client avec courtoisie et « savoir faire », prendre une commande rapide et « juste », servir rapidement et chaud, prendre congé avec courtoisie aussi sans lui avoir fait attendre sa facture et en n’ayant rien oublié sur celle-ci………. Je n’ai pas la prétention de vous donner des leçons mais ces actes dont la liste est loin d’être exhaustive n’entraîne aucun coût supplémentaire et ont pour but de faire baisser le coût du personnel si le CA augmente.
Pour cela toute entreprise a des outils à savoir la formation du personnel. De nombreuses solutions existent et les charge de formation que vous avez versé à votre OPCA, le Fafih pour l’hôtellerie, vont vous être restituées par la prise en charge de ces formations. Outre le meilleur service pour le client, vous valorisez votre personnel dont les effets ne sont pas mesurables.
Ce que vous avez payé pour la formation n’est plus une charge mais un investissement avec des effets presqu’immédiat sur vos résultats. Pour ça, je sais de quoi je parle puisque mon cabinet exploite des établissements et fait de la formation. Je peux vous citer des exemples.
Quand à Monsieur Poupard, il a raison dasn son article car en réalité le service est souvent le parent pauvre dans nos établissements. Et même si vous avez bien recruteé la formation va avoir un effet très important, jusqu’à la cohésion d’une équipe.
Je ne souhaite pas que vous preniez ces conseils pour de « belles paroles » mais pour un témoignage.
Je vous remercie de votre compréhension et remercie M. POUPARD pour la pertinence de son article pour lequel il ya encore beaucoup de choses concrètes à dire.
Salutations respectueuses,
Yves Laugier
http://www.prorecor.com
Sans vouloir polémiquer, les propos de Jean-Pierre Chedal me choquent, mais ne me surprennent pas non plus. Préfère-t-il les annonces clientélistes et mousseuses d’un autre consultant en restauration qui dit que tout va bien avec de faux chiffres ou encore les communiqués du Gouvernement qui prétend que tout est merveilleux ? Les contes de fées sont effectivement plus agréables à entendre et plus antalgiques que les analyses éclairées d’un expert comme Thierry.
C’est pourtant le moment où jamais pour que les professionnels de la restauration se remettent en question ; comment peut-on encore l’ignorer ? Thierry a raison dans ses observations, pour les constater moi aussi et ce depuis de nombreuses années. Mais lui en parle mieux que je ne saurais le faire… (!)
Certes la restauration est un des métiers/secteurs les plus difficiles qui soient. Certes les conditions d’exercice imposées aux entreprises françaises par l’Etat (prélèvements obligatoires, règles de travail, réglementations diverses, etc.) et plus particulièrement dans la restauration, sont parmi les plus lourdes, voire injustes, que l’on connaisse.
Mais, ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre. Si les conseilleurs ne sont pas les payeurs, il faut les prendre pour l’utilité qu’ils représentent. Le « pas de vague » sévit trop et depuis trop longtemps dans la profession. Le déni aussi et la politique de l’autruche où l’on n’ose affronter les vrais problèmes qui font crever le métier. Traiter des consultants doués comme Thierry de « nantis » ne fait pas non plus avancer les choses, et se trouve de plus être en contradiction avec la réalité de ce sacerdoce.
Enfin, accuser constamment les « causes extérieures » au lieu de se demander si l’on fait (soi-même) bien son travail n’est pas très constructif. La conjoncture morose, la baisse de l’euro, les charges qui augmentent, le personnel qui ne veut rien f…, les méchants clients qui ne comprennent rien, les mauvais concurrents qui ne sont même pas du métier,… tout cela a au final bon dos. Enfin, M. Chedal a oublié de citer la baisse de la TVA devant laquelle tant de restaurateurs sont devenus indécents : ils profitent de ce vrai cadeau et ont encore la malhonnêteté de se plaindre…
Corporatistes, poujadistes, passéistes, conservateurs de tout poil, réactionnaires, individualistes… vous faites du mal à votre pourtant si noble métier de restaurateur et vous allez sombrer avec lui.
=> Les conseils et analyses de Thierry Poupard devraient être remboursés par la Sécurité Sociale, comme on dit.