La street food, grand écart entre les pauvres et les nantis
Par Thierry Poupard
Street food. Le mot à la mode en France pour parler d’une forme de snacking (de rue) jusqu’alors très peu présente dans notre pays. Étant actuellement en tournée au Vietnam et au Cambodge dans le cadre de projets financés par l’ONG dont je m’occupe – www.restaurants-sans-frontieres.org – voici quelques impressions sur la street food et le snacking vus de là-bas.
Cet article n’apprendra probablement rien à celles et eux qui sont familiers avec ces pays et, sans doute, elles ou ils pourraient apporter des précisions. Toujours est-il que, pour les autres, il est intéressant de découvrir que cette forme d’alimentation n’a pas grand-chose à voir avec ce que l’on connaît en France.
S’agissant de la restauration avec service à table elle est aussi présente, traditionnelle et sous une forme très proche de ce que nous connaissions : hôtesse d’accueil, salle, cuisine distincte de la salle, placement à table, sets ou nappes, couverts, prise de commande, service, etc. Tous les attributs sont là. Par contre, en ce qui concerne la restauration disons « rapide », rien à voir avec ce qui existe en France : pas de McDonald’s dans ces deux pays (c’est dire !), quelques rares KFC, Pizza Hut ou Starbucks, mais une multitude de points de restauration indépendants difficiles à segmenter ou à classer tant ils ont à la fois de points communs et de différences.
Tout se passe sur les trottoirs au milieu d’innombrables scooters garés en dépit du bon sens, plutôt dans des rues étroites que sur les avenues, dans une vague échoppe ou bien avec juste un réchaud posé à même le sol ou encore un chariot à tout faire (stockage, vitrine, cuisson). L’endroit est entouré d’un mobilier en plastique de la taille de ceux qui existent dans les écoles maternelles. Dégustation inconfortable, mais nourriture locale garantie (soupes, « fondues » de légumes, crêpes, fritures, brochettes…) et pour un prix du plat bien inférieur à un demi Euro.
Il n’y a pas de boutique ni de kiosque ou si peu, pas de vitrine alléchante, pas de comptoir ou de fenêtre dédiée à la vente-à-emporter, pas de mange-debout comme en ont sandwicheries, kebab et autres fast-foods en France. Il n’y a guère qu’en banlieue ou sur les routes de campagne que l’on repère, grâce à leur parasol Coca-Cola ou au nom d’une marque de bière locale, de la street food abritée sous des baraques en tôles ondulées, des sortes de hangars au sol en terre battue, de garages à scooters remplis de mobilier en plastique rouge.
En fait la vente à emporter telle que nous la connaissons en France n’existe pas ou plutôt elle est faite pour une consommation immédiate, assis sur son scooter, sur un banc ou un muret en bordure d’un parc à quelques mètres. Pas de sac, pas de box, pas de packaging. En ce qui concerne le nombre de points de vente, rien à voir avec nos bars, bistrots, snacks ou échoppes : en ville ils sont hyper concentrés, souvent en enfilade continue tout le long des rues et en banlieue à pas plus de 50 mètres les uns des autres. À se demander si la RHF n’est pas l’activité qui occupe le plus de gens en Indochine.
Quant à la consommation, elle se fait à toute heure du jour, de tôt le matin jusqu’au moment où les clients se font rares dans les rues, tard dans la soirée. Il n’y a jamais de file d’attente, pas de « rush hours », pas d’horaire de consommation prédéterminé, pas de 13h-14h imposé. Donc pas de problématique sur la rapidité de service au déjeuner comme en rencontrent les food trucks parisiens avec lesquels le temps d’attente est si long que, 1/ cela pose un vrai problème de rentabilité et 2/ il n’est pas possible de servir tous les clients qui font la queue, s’énervent et abandonneront bien vite cette forme de restauration inadaptée.
Pour ce qui est de l’hygiène, mieux vaut fermer les yeux, la vaisselle étant faite à coups d’eau versée d’une bassine dans le caniveau… En fait, la street food d’Indochine est une alimentation préparée par des gens pauvres pour des clients à très faible revenu. Les légumes ont été ramassés au bord d’une route, les poissons sont sortis du fleuve pollué et l’eau de cuisson n’est pas limpide.
Alors, il existera peut être, un jour, une forme de street food « à la française » mais elle n’aura jamais commune mesure avec celle de ceux qui l’ont inventée, pas pour faire bien mais par nécessité ou instinct de survie.
Thierry Poupard – Hoi An, Vietnam, le 4 novembre 2013
Cet article est paru le 6 novembre sur snacking.fr sous le titre « La street food échappe encore à la mondialisation« .
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