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Groupon, impressions et mode d’emploi (2ème partie)

Par Thierry Poupard

Suite de l’article consécutif à ma visite, mercredi 21 septembre 2011, au siège de Groupon France. La première partie a été publiée le jour même et comporte les chapitres suivants :


– La mauvaise E-réputation de Groupon
– Un leader mondial ne peut pas avoir que tort
– Avant de se lancer, établir un diagnostic

Bien entendu, elle est en ligne ici : Groupon, mode d’emploi (1ère partie). Voici la suite, plus orientée sur le « mode d’emploi » et qui se termine par une recommandation. Hum, Groupon or not Groupon ?


Fixer sérieusement un objectif

Imaginons que le diagnostic ait été bien fait et avec objectivité, que le restaurateur dispose de tous ses paramètres d’activité et qu’il poursuive dans son idée de recevoir ou d’appeler le commercial de Groupon. Il n’est alors pas envisageable de se faire dicter le deal par celui-ci : le compte d’exploitation doit être à jour, exact et sous les yeux au moment de l’entretien afin de déterminer, pour le deal et le nombre de coupons, un objectif chiffré, réaliste et raisonnable en nombre de clients additionnels souhaité et en termes de répartition en jours de semaine et en semaines.

L’opération dure en général six mois, même si son effet s’affaiblit au fil du temps. Il faut bien apprécier les implications de l’opération sur l’activité : les charges variables, le coût matière, la qualité et la rapidité de service, les réservations, etc. Si un élément n’est pas évalué ou s’il n’est pas estimé de manière réaliste ou encore si un autre a des incidences non maîtrisables, il faut stopper le projet.


Faire une simulation toute aussi rigoureuse

Au vue de ces éléments, Groupon est alors capable de réaliser une simulation en nombre de coupons nécessaires pour atteindre l’objectif sur la période. Je partage avec eux la culture américaine qui consiste, lorsqu’une salle est à moitié vide de manière récurrente, à se poser la question : « comment vais-je trouver de nouveaux clients ou en faire revenir plus souvent ? » alors qu’en France, la question est : « quelles coûts vais-je bien pouvoir réduire ? » (Culture d’augmentation des ventes v.s. culture de réduction des charges). Mais je ne suis plus d’accord quand ils raisonnent uniquement à la marge, en clients supplémentaires, en clients qui viendraient s’ajouter au flux des clients « normaux ».


Parce que, dans la réalité, les clients Groupon ne viennent pas une fois que la salle est à moitié remplie, mais en continu, comme si, en hôtellerie, on considérait que les clients Groupon n’appelleraient pour réserver une chambre qu’à partir de 20h. Il est, de mon point de vue, arbitraire de n’affecter le poids des charges fixes qu’aux clients qui payent le prix normal. C’est ce que montre le graphique dans mon article du mois dernier intitulé The Groupon Paradox. Le restaurateur doit fixer son offre en faisant bien attention aux produits concernés, surtout s’il s’agit de menus, il défalque la commission reversée à Groupon, puis estime la valeur des ventes additionnelles (boissons). C’est un exercice délicat et complexe que les restaurateurs qui n’ont pas l’esprit de manager sont peu à même de réaliser. Il n’existe pas d’analyse idéale mais la mienne a la vertu de la prudence en minorant les gains (puisque j’estime qu’il faut également leur répercuter les charges fixes) ce qui ne peut que révéler une bonne surprise en fin d’opération.


Essayer de mesurer

Je dis « essayer » parce que c’est un exercice ardu. Groupon ne dispose pas de modèle pour la restauration, mais de cas qui m’ont été présentés. Empiriquement, un grand nombre de cas pourrait déboucher sur un modèle, mais la restauration est trop fragmentée et le compte d’exploitation de chaque établissement (il y en a environ 200 000 !) est unique. Par ailleurs, elle ne dispose d’aucun outil permettant de mesurer le nombre de nouveaux clients venus grâce à l’opération Groupon qui reviennent dans la quinzaine, le mois, les trois ou les six mois suivants. Le CRM est inexistant dans ce secteur. A titre personnel, je maintiens que la motivation première d’une visite via Groupon est le prix, bien au-delà de la curiosité. Or, Groupon étant par essence même un site de bonnes affaires, le client ne s’y trouve que parce qu’il souhaite en trouver. Faute d’étude, nous devons nous contenter, ou pas, d’enquêtes sur du déclaratif, des intentions de revenir qui ne sont que velléitaires tant qu’elles ne sont pas concrétisées.


Conclusion : go or no-go ?

Alors, faut-il y aller ? Si mon argumentation a été claire, je pense que les avantages de Groupon pour un commerçant sont :
• Gain de notoriété (visibilité auprès des milliers d’abonnés à la newsletter), mais impossible à mesurer
• CA additionnel, surtout s’il y a beaucoup de ventes de produits complémentaires
• Possibilité de vendre de grosses quantités de produits (ou de prestations)
• Pas d’augmentation des charges fixes
• Potentiel à dynamiser l’activité si elle est déjà soutenue


Les inconvénients sont :
• Risque financier important si l’opération génère une augmentation des charges variables
• Possibilité d’altérer la qualité du service
• Risque pour l’image, les clients payant le prix normal peuvent se sentir léser, mais impossible à estimer et encore moins à mesurer
• Coût d’acquisition élevé d’un nouveau client (facile à calculer) avec très peu de chances de le fidéliser (impossible à mesurer comme expliqué plus haut)
• Un engagement contractuel d’exclusivité de 2 ans (CGV) même pour une seule opération de six mois.


Alors, vous l’aurez compris, une opération Groupon est intéressante pour une salle de fitness où un grand nombre d’appareils sont au repos ou un salon de beauté où trop d’esthéticiennes attendent le client, pour déstocker des vêtements avant l’arrivée d’une nouvelle collection ou des ordinateurs dépassés, bref partout quand les salaires et charges sont payés et que le personnel est oisif faute de clients ou bien lorsque les amortissements sont en cours pour des équipements sous utilisés. En ce qui concerne la restauration, d’une part la marge opérationnelle n’ayant aucune commune mesure avec le prêt-à-porter ou d’autres secteurs et d’autre part chaque client nouveau induit bien évidemment une augmentation des charges variables, celles des produits consommés. Il est par conséquent vital de réaliser diagnostic, analyse et simulation de la façon la plus rigoureuse pour éviter toute déconvenue.


Comme c’est rarement le cas, c’est pour cette raison que, en dehors de cas très particuliers, je ne recommande pas Groupon aux restaurateurs. En ce qui concerne l’hôtellerie, une telle opération a plus de chance d’être maîtriser du fait que les réservations, qui sont au cœur de l’activité de ce secteur, permettent de réguler les clients Groupon en jouant le fait d’être complet ou pas lorsqu’ils téléphonent.


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5 Responses

  1. Cécile B

    Cher Thierry,
    je n’ai pas pu lire ton billet avant maintenant…
    mais je le trouve assez juste. je crois vraiment que bon nombre de restaurateurs se laissent convaincre par groupon sans avoir calculé quoi que ce soit…. et vu comme cela, c’est plutôt dangereux pour leur entreprise !

    Il y a toujours une population qui veut profiter à moindre prix plutôt de mettre un peu d€ dans un bas de laine pour en profiter ensuite ! on sait bien qu’ils n’y reviendront pas et ne feront pas forcément de la bonne pub en plus !!!

    Le deal de Groupon peut être intéressant en ayant toutes les cordes à son arc et pas à celui de groupon….

    Mieux vaut avoir une clientèle fidèle enrichie par son savoir faire , qu’un passage éclair de gens qui n’en mesureront pas la qualité…
    bonne soirée !

  2. Bernard BRILLANT

    je reste sidéré que tous les journalistes et blogueurs parlent d’une commission de groupon de 50%…alors qu’elle est bien plus élevée en réalité !!!
    En effet, groupon mélange INTENTIONNELLEMENT les torchons et les serviettes en mélangeant le prix de départ TTC, et le taux de commission, qui lui est hors taxes !
    exemple : prix d’un coiffeur : 50 € ttc
    offre groupon : 25 € ttc
    revenu ht du coiffeur : 25/119,6*100 = 20,90 ht
    commission groupon : 50% du ttc = 12,5 hors taxes !!!
    DONC LA COMMISSION GROUPON EST DE 12,5/20,90 = 59,80% !!!

    tva sur commission : 12,5*19,6% = 2,45
    Groupon reverse au coiffeur 25-12,5-2,45 = 10,05

    Groupon ne facture pas la prestation.C’est donc au coiffeur de déclarer :
    25-20,90= 4,10 de tva collectée
    2,45 de tva deductible
    Donc sur les 10,05 € versés par groupon, le coiffeur devra EN PLUS payer 4,1-2,45= 1,65 € de taxes

    reste donc dans la poche du coiffeur pour sa prestation : 10,05-1,65 = 8,40 €

    or , 8,40/20,9 = 40,2 % qui est la marge laissée au coiffeur après la com groupon (59,8% ! ) après la remise à moitié prix imposée…

    On peut faire le même calcul ave la restauration…

    Arretons de dire que groupon prend 50 % , c’est faux !!! Ou alors il faut preciser 50% de quoi…!

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