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Pourboire or not pourboire ?

Par Thierry Poupard

La baisse de la TVA dans la restauration doit, en principe, exercer des incidences positives sur la rémunération du personnel. Puisqu’une majorité de restaurateurs a décidé de ne pas rendre au client ce qu’il lui doit et que les prix n’ont pas du tout diminué dans les proportions annoncées, il ne reste plus qu’à souhaiter que la seconde promesse contenue dans le Contrat d’Avenir se répercute sur une revalorisation des salaires. On peut rêver, une fois encore… Mais attendons le résultat des négociations prévu pour la fin de l’année.

Le pourboire faisant partie intégrante de la rémunération du personnel de service en salle, qu’advient-il dans ce contexte pour le moins très flou ? Deux enquêtes récentes (sur leparisien.fr et lefigaro.fr) ont permis aux internautes de s’exprimer sur le sujet et les arguments des détracteurs du pourboire n’ont guère varié : le service est déjà compris, ça n’incite pas les patrons à augmenter le personnel, les pièces jaunes ont été très réévaluées avec l’Euro, la répartition entre les membres du personnel n’est pas équitable, c’est humiliant pour celui qui le reçoit, c’est une coutume de pays pauvre, etc. Mais la crise et la baisse de la TVA sont passés par là : d’une part la fréquentation des restaurants est moindre, engendrant une réduction des gratifications et, d’autre part, les prix n’ayant pas diminué, le client ne prend plus le risque de laisser un pourboire qui, comme la TVA, peut se retrouver directement dans la poche du patron. Résultat : le montant des pourboires aurait baissé de 30%.

Nous ne sommes pas aux Etats-Unis où le pourboire constitue l’intégralité ou la majeure partie de la rémunération du personnel de salle et encore moins en Asie où l’amabilité et le service sont exceptionnels, mais en France où, faut-il le rappeler, nous sommes jugés parmi les plus « radins, râleurs, impolis, orgueilleux… » au monde (cf. étude annuelle GFK). Ici, la plupart des serveuses et serveurs sont payés au Smic, beaucoup exercent cette activité à temps partiel et perçoivent donc un fragment de Smic, les jeunes le font souvent pour payer leurs études et d’autres souffrent d’un manque de considération voire de respects de la part du patron comme de certains clients, etc. Faits auquel viennent s’ajouter la pénibilité du travail et la particularité, souvent négligé, de la profession de serveuse ou serveur dont la finalité est d’allier alimentation avec plaisir. Compte tenu de tout cela, il me semble personnellement logique de donner un pourboire proportionné avec l’accueil, l’amabilité et l’efficacité de la personne qui m’a servi ; entre zéro et environ 10%. Et de le remettre systématiquement en mains propres à l’intéressé(e). De même que je laisse un pourboire au chauffeur de taxi aimable qui conduit bien et rien au chauffard qui fait hurler sa radio, au facteur qui m’apporte un recommandé au 4è étage et rien si je dois descendre le chercher, au livreur de pizza poli qui se découvre et rien à celui qui garde son casque sur la tête, à la coiffeuse qui me parle avec discrétion et rien à celle qui vocifère dans le salon… bref, à chaque fois qu’il y a un « plus » ou un supplément de service, lorsque je distingue une personne qui fait bien son métier d’une autre qui fait juste son métier.

Les arguments d’ordre métaphysique, ethnique ou syndical, ou encore l’Euro, la crise et la TVA ne servent que d’alibi ! Ce qui pourrait faire disparaître cet usage, serait, bien évidemment que les salaires soient revalorisés comme il convient, mais aussi de considérer que, finalement, la prestation consiste juste à prendre une commande et à apporter des plats, que le client n’est qu’un numéro, que les rapports humains sont sans intérêt, en fait, que la restauration n’est plus un métier de service.



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8 Responses

  1. daniel MAJONCHI

    Salut Thierry … Ok pour cette analyse concernant le pourboire comme ‘bonus’ pour celui ou celle qui nous a offert un ‘service +’ …
    Mais que dirais-tu de lancer une campagne de sensibilisation de nos chers collègues à un outil exceptionnellement efficace pour rémunérer plus justement et plus efficacement nos collaborateurs : LE CONTRAT D’INTÉRESSEMENT.
    Tous les textes sont là, les avantages fiscaux tant pour les employés que les collaborateurs sont là également … Et notre profession est l’une des rares à faire trop peu appel à cet outil de motivation et de rémunération efficace !
    … Et pourtant ça marche quand on signe ce type de contrat: fidélisation, motivation, esprit d’équipe, résultats, etc. … en hausse !
    Amitiés
    Daniel

  2. A noter également que dans l’étude EXPEDIA de cet été sur les meilleurs touristes du monde, dans la catégorie pourboire les trois premiers sont américains, anglais et allemands. Les trois derniers sont les espagnols, les italiens et les français, 27ème sur 27.
    Visiblement, le fait de donner un pourboire n’est pas dans notre culture comme tu le notes dans ton billet, ce que je déplore.

    S’agissant du sens du client dans la restauration, un sujet que j’ai traité à titre professionnel, je fais le même constat. Je pense que les métiers de service à la clientèle ne sont pas assez valorisés dans les filières éducatives et que les enseignes qui se démarquent sont celles dans lesquelles la proposition de rapport qualité/prix et d’accueil est la bonne. Un casse tête pour les professionnels français qui ne trouvent pas toujours des employés qui ont le sens du client.

  3. Louis Malta-Bey

    Triste constat. Je regrette que le jeu de la concurrence ne fasse pas disparaitre systematiquement les etablissements qui n’ont pas la culture du service.

    En effet, avec des baux presque interminables, et l’existence meme de la notion de fond de commerce, le systeme Francais ralentie et decourage les transactions. Le commerce de detail, c’est d’abord une question d’emplacement, le service vient apres.

    Donc, Oui au pourboire pour vivre! le systeme americain a fait ses preuves.

  4. trés bonne analyse !!!! Je ne comprends pas pourquoi sarko ne choisi pas notre ami Thierry comme ministre du tourisme !! enfin qq’un qui comprend le milieu, 1er contributeur de valeur ajoutée en France , avant l’automobile et l’aéronautique réunies !!!
    -dans notre établissement, les pourboires sont intégralement partagés selon la règle suivante:
    50/50 entre la cuisine et la salle
    et ensuite 1/3 et 2/3 pour les apprentis et les permanents…
    -les pourboires: pourquoi ne pas faire comme aux USA et permettre de mettre le pourboire sur le débit Visa..en effet, les paiements carte bleue ne facilite pas le fait de laisser un pourboire…
    ensuite, il est clair que l’esprit moyennageux de la majorité de nos collègues fait que ce pourboire ne reviendra que rarement dans l’escarcelle de celui à qui il est théoriquement destiné…..
    si seulement les syndicats professionnels jouaient vraiment leur rôle, de centre de ressources, de réflexion, de prospective, bref, d’interlocuteur valable, compétent et respecté des adhérents , des salariés, et de la puissance publique !!!!
    révons !!!!
    amitiés à tous et à Thierry en particulier….

  5. serge

    Avis de simple consommateur…….qui laisse parfois un pourboire :

    Le service Plus est rare et mérite d’être récompensé. La gentillesse, le sourire et la précision dans l’accompagnement du client lors du repas sont rares et méritent de laisser un pourboire ET des félicitations au personnel.

    Les clients ont rarement ce geste et pas cette culture en France car ils ont eu l’habitude de se faire « traire » par les restaurateurs…compte-tenu du rapport prix/ prestations pratiqués lorsque l’on arrive à l’addition on est moins disponible moralement ! Le café à 2.80€ en fin de repas, ça tue un peu le désir !

  6. Bonjour Thierry, je suis entièrement d’accord avec vous, la notion de service se perd totalement… A partir du moment, où le « serveur » ou le prestataire n’est pas attentif à son client, il ne créé pas l’envie de le remercier. Personnellement, lorsque je travaillais en restauration, un merci et un sourire valait autant si ce n’est plus qu’un pourboire. Après tout quand on a donné un peu de joie, de plaisir, d’attention aux clients, je trouve que l’on a rempli notre contrat, que l’on peut être fier et satisfait, d’avoir donné et d’avoir reçu. Mais presque plus personne ne voit le service comme un métier plaisant, c’est comme si le personnel de nos jours ne choisissait pas ce métier et que par conséquent ils étaient forcés à accomplir cette corvée chaque jour… Comment bien faire son travail quand on ne l’aime pas. Je peux aussi dire que même lorsque l’on aime son travail, il est difficile de le réaliser pleinement avec des attitudes patronales inadmissibles, qui cautionnent trop souvent le harcèlement moral… Le service est un métier assez ingrat, mais quand votre supérieur montre le mauvais exemple, comment voulez vous que le reste suive… Je comprends assez bien les contraintes des restaurateurs, mais cela n’excuse en rien le manque de respect et d’honnêteté. Franchement à moins de travailler dans de gros établissements syndicalisés, il est rarissime en France de trouver des patrons restaurateurs qui respectent les règles. On perd un travail aussi facilement que l’on en trouve, c’est un avantage de mobilité, c’est un inconvénient pour la stabilité, pour l’évolution de carrière… C’est un problème, pour fidéliser une clientèle, qui va régulièrement dans un restaurant et qui voit tous les moins un ou plusieurs membres de l’équipe changer… Société de consommation, restaurant de consommation, si le client n’est pas content, ce n’est pas grave demain il y aura d’autres clients… Et de l’autre côté, les clients ne sont pas exigeants, s’ils ne sont pas contents, c’est pas grave demain ils essaieront un autre établissement… Avec de tel comportement de part et d’autre, comment faire évoluer les mentalités ? je me le demande sérieusement. L’offre est assez médiocre en France, et ça n’a pas l’air de s’arranger, avec le temps qui passe, être le 1er pays touristique du monde, leur est monté à la tête et ils doivent sincèrement penser être indétrônable, pour ne pas se remettre en question plus souvent… Mais les autres pays s’améliorent tandis que nous régressons, et je crains qu’avoir la Tour Eiffel ne suffise plus un jour pour faire venir les touristes….

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