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Le Hamburger va-t-il tuer le jambon-beurre ou bien s’autodétruire ?

Par Thierry Poupard

Il souffle en France comme un vent de folie autour du hamburger, pas vraiment récent mais de plus en plus violent. Signe avant-coureur d’une tempête ou d’un cyclone qui sait ? Et cela peut faire des victimes…

 

LE BURGER DES QUADRAS NOSTALIQUES ET DES VOYAGEURS

Tous les amateurs de Whooper, quadras (et plus) nostalgiques ou  voyageurs hors de France, sont ravis depuis le flash de snacking.fr du 26 novembre annonçant l’accord « officiel » entre le Groupe Bertrand et Burger King. Déjà, le 18 janvier 2012, pour participer au buzz, j’ai écrit un billet, toujours sur snacking.fr, qui posait cette question : Que penser du retour de Burger King en France ? A l’époque, il était important de signaler, à propos de BK que « son CA moyen par restaurant est quasiment deux fois moindre que celui de McDonald’s aux Etats Unis et la chaîne s’y est fait souffler la place de numéro deux par Wendy’s. » Et d’insister, comme je le fais toujours, sur l’impérative obligation de « consolider les positions acquises avant de se lancer dans de nouvelles aventures. » 

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 Petit rappel : il existe comme une espèce de loi du marché qui veut que rares, très rares sont les pays où il y a plus de deux opérateurs majeurs de restauration hamburger. Hormis les Etats Unis, dont la culture pour ce produit remonte à la fin du XIXème siècle et où l’on dénombre plus de 14 500 McDonald’s, près de 8 000 BK et 6 ou 7 « petites chaines locales » comme Wendy’s, Sonic ou Jack in the Box ayant quelques milliers de points de vente, en fait 46 000 restaurants pour les 15 premières enseignes. 

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Car en dehors de ce marché atypique, dans la quasi totalité des cas, il s’agit d’un face à face entre McDonald’s et une enseigne locale plutôt puissante, comme Goody’s en Grèce, Burger Ranch en Israël, Quick en Belgique par exemple. Et dans certains pays il se trouve  que le numéro un mondial n’est pas en position dominante, comme en Espagne où Burger King est leader du marché. Alors, le roi du burger réussira-t-il à déjouer cette loi et s’imposer comme troisième opérateur sur le territoire français ?

 

PAS DE SATURATION NI D’IMPLOSION, MAIS…

En France on compte quelque 1 300 McDonald’s et 370 Quick ce qui fait un restaurant hamburger pour 39 500 habitants. Aux Etats Unis, ce taux de couverture de la population par restaurant pour McDonald’s plus  Burger King est de 14 000, soit une densité trois fois supérieure. Pour parvenir au même taux en France il faudrait ajouter 3 000 restaurants hamburger… De quoi être confiant et écarter tout risque de saturation voire d’implosion du marché ? Comparons ce taux de couverture avec des pays proche de nous : en Belgique, qui est dépourvue de Burger King, les McDonald’s et les Quick représentent un total d’un restaurant hamburger pour 72 370 habitants. Dans d’autres pays voisins où McDonald’s et Burger King sont présents c’est, au cumul de ces deux enseignes, un restaurant pour 36 500 habitants au Royaume Uni, un pour 40 800 en Allemagne et un pour 47 000 en Espagne. Des chiffres plus proches de ceux de la France qui montrent certains signe de maturité du marché même s’il y a encore un peu de place pour le développement. Le hamburger ne s’est intégré dans la culture française que depuis à peine trente ans et le consommateur s’américanise surement mais plus lentement. Le tableau ci-dessous montre ce taux de couverture pour chaque chaîne dans les six pays cités. 

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Par ailleurs, en France, on pourrait comptabiliser les 160 KFC qui ne proposent pas que du poulet frit, une bonne cinquantaine de Speed Burger, les food trucks encore très marginaux mais également toutes les chaines de grill qui lancent des appels pressants à la dégustation (Cf. l’affiche ci-dessous), les indépendants et les chaînes naissantes, bref toute enseigne qui propose des hamburgers à la carte en tant que produit d’appel ou produit principal. Un tel engouement ne peut s’apparenter à un phénomène de mode, mais le risque existe de parvenir à une lassitude du consommateur. Et en ajoutant les 400 restaurants Burger King annoncés par le Groupe Bertrand d’ici une dizaine d’années, cette menace ne va pas s’estomper. D’autant moins que le hamburger n’a pas que des amis. A commencer par les partisans du sandwich. 

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LE SANDWICH DOIT FREMIR DANS SA VITRINE

Aujourd’hui, il existe en France quelques 142 500 points de ventes de sandwichs, tous canaux de vente confondus, face à moins de 2 000 points de vente de hamburgers. Cela fait un rapport de 71 pour un. Dans un article publié le 16 février 2010 – Sandwich v.s. Hamburger, qui gagne ? – je démontrais, à partir des estimations de consommation de sandwiches en 2009, soit entre 1,4 milliards (Xerfi) et 2 (Gira conseil), que le rapport entre les ventes de sandwichs et de burgers n’était pas de 8 contre un mais compris entre 2 et 2,85 contre un. Ce qui, au-delà des chiffres et des calculs, est assez logique, car aucune sandwicherie ne peut se prévaloir d’avoir dans son offre un produit aussi puissant et attractif qu’un Big Mac, un Whopper ou même un Giant, ni d’avoir des points de vente aussi puissants.

Le rapport de force a dû évoluer du fait de tous les nouveaux entrants sur le segment burger qui va encore se renforcer avec l’arrivée de Burger King à en croire les volumes réalisés dans la première unité à l’aéroport de Marseille.  Le sandwich moyen de gamme a des soucis à se faire.

 

QUID DE L’EXPANSION ET DES IMPLANTATIONS ?

Ensuite se pose une autre question : où vont-ils trouver les « bons » emplacements ? Nous ne sommes plus à la fin du siècle dernier ni même dans les années 80 lorsque le marché se développait à un rythme soutenu, que McDonald’s avait repris sa master franchise à celui qui avait lancé l’enseigne à Paris, que Quick avait fait l’acquisition des 12 O’Kitch (justement, fondé par cet ex franchisé MacDo) en 1986 et de Freetime deux ans plus tard, une formidable opportunité de développement ratée par Burger King qui était parvenu à ouvrir pas loin de quarante restaurants en 1997. Maintenant, les bons emplacements se font rares, sont beaucoup plus coûteux et, pour compléter le tableau, une enseigne fait systématiquement de la surenchère. Alors ?..

 

LA RUMEUR PERSISTERA

Alors, le montage capitalistique de la Joint Venture est tel qu’il donne de la puissance au nouvel entrant et le Groupe Bertrand ne manque pas d’atouts dans l’immobilier, pas moins que d’expérience dans l’exploitation de restaurants de différents formats y compris hamburger. Par ailleurs, les erreurs du passé ne seront pas commises à nouveau, BK ayant sans doute appris de ses déboires en France, mais aussi en Australie ou sur d’autres marchés. Et pour parvenir « rapidement » au nombre annoncé de 400 restaurants, la rumeur d’une croissance de Burger King en France par une acquisition refera surface, c’est certain, jusqu’à ce qu’elle n’en soit plus une… De quoi tenir les journalistes en veille, animer les blogs et, sans doute, tuer le jambon-beurre et ne pas s’autodétruire. 

 

Cet article a été publié le 4 décembre 2013 sur snacking.fr 

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