+855 11 239 064 tp@service-attitude.com    

Restauration-hôtellerie : le Black Tuesday des syndicats professionnels

Par Thierry Poupard

Après le « pshittt » au Sénat de lundi, la journée du lendemain fut un Black Tuesday avec, pour hors d’œuvre, l’assemblée générale du Synhorcat boycottée au dernier moment par Hervé Novelli malgré l’attrait du très chic Park Hyatt Vendôme où elle se déroulait. Didier Chenet a été réélu sans surprise puisqu’il était l’unique candidat, après qu’à l’initiative de certains il a été légitimement démis de ses fonctions pour cause de non exercice d’une activité d’exploitant comme les statuts de l’organisation l’exigent. J’en conclue, qu’en trois mois, soit les statuts ont été modifiés (pour quelle raison, par qui, quand ?), soit monsieur Chenet a acheté une affaire… Sinon, pourquoi ses détracteurs ne l’ont-ils pas affronté en lui opposant un candidat ? Mystère… Première conséquence de cette réélection : le départ immédiat du groupe Flo de ce syndicat. Boum !

Le plat principal fut servi au congrès de l’Umih. Dès l’ouverture, une AG Extraordinaire improvisée en dehors de tout cadre statutaire a voté la destitution de la présidente et, dans la foulé, son remplacement par l’ancien Président, André Daguin, avec effet immédiat. Pour ceux qui souhaitent avoir une idée de l’ambiance, cette vidéo d’une minute est à ne pas rater : http://www.dailymotion.com/video/xb991r_congres-des-hoteliers-dans-un-clima_news. Le grief « officiel » retenu contre Christine Pujol est d’avoir mal exprimé tout ce que le syndicat a fait depuis la baisse de la TVA. Mais madame Pujol a-t-elle jamais eu la réputation d’une grande communicante ?.. Le prétexte est fallacieux et la tactique peut-être importée de Russie où l’ancien Président, ne pouvant de par la constitution effectuer plus de deux mandats consécutifs, a fait élire un pâle collaborateur, ce qui lui permettra, après cet intérim, de se présenter aux prochaines élections. Madame Pujol aurait-elle été élue pour servir de fusible ? La comparaison s’arrête là car Vladimir Poutine n’envisage pas de putsch ; il attendra son heure en toute légalité.

Plusieurs ateliers étaient prévus lors du congrès dans l’ordre du jour établi par la Présidente et il s’avère que jeudi 26 j’étais invité à participer à une table ronde sur le thème de la reconquête des clients et du rebond. Arrivé sur place avec les autres intervenants, nous nous sommes retrouvés, non dans une réunion de professionnels unis pour la bonne cause, mais dans une assemblée évoquant celles de mafias obscures ou de cartels féroces, non pas au palais des congrès de Nantes, mais dans celui de Naples et Medellin réunis ! Ambiance improbable dès l’entrée : des groupes complotant à voix basse, des regards inquisiteurs, un André Daguin reclus dans un bureau dont l’accès était gardé par des sbires portable en main, une Christine Pujol hagarde qui n’avait plus pour elle qu’une poignée de partisans du respect de la légitimité et son énorme courage, des salariés du syndicat parlant de siège éjectable (le leur), des adhérents hésitants encore sur le camp à rallier, de gros bras veillant à ce que les micros soient « sous contrôle », etc. La première table ronde sur le thème du social ayant été annulée arbitrairement à la dernière minute, nous étions dans l’expectative quant au déroulement de la nôtre. Et bien, elle a eu lieu, devant une salle au trois-quarts vide et atone tant les préoccupations étaient ailleurs et les regards dirigés vers le groupe de meneurs à la porte d’entrée. Et pas de chance non plus pour les participants de la table ronde suivante sur la TVA qui a été supprimée. Pour s’excuser du caractère pitoyable de cette journée Christine Pujol aurait lâché un « j’ai mal ». Comme on la comprend.

La-men-ta-ble !

Pour résumer :

  • Ces deux syndicats servent plus de tremplins personnelles vers la sphère politique qu’à la défense de la profession.
  • Ils sont un gigantesque empilage de baronnies à tous les échelons à côté duquel l’administration de l’État fait figure d’équipe réduite.
  • Leurs pensées, attitudes et méthodes relèvent du siècle dernier ou bien avant encore (conservatisme, poujadisme, corporatisme, autocratie, putschisme…)
  • Leur représentativité et le nombre de leurs adhérents respectifs sont opaques : aucun chiffre officiel, pas même sur leurs sites Internet.
  • On se demande bien ce qu’Hervé Novelli doit penser de tout ça, lui qui fut estomaqué de constater que la profession était représentée par neuf organisations, pas moins (!)
  • Et les syndicats de salariés qui doivent signer les accords sociaux ce lundi 30 novembre ?
  • Pire encore, l’Umih et le Synhorcat portent dorénavant la très lourde responsabilité de donner aux média toute la matière nécessaire pour dégrader encore plus l’image de la profession, ce qui ne manquera pas d’amplifier la désaffection des consommateurs et la démotivation des jeunes qui envisageaient de faire carrière dans le métier.

Cela doit cesser !

La meilleure chose serait que l’Umih et le Synhorcat explosent ! Les autres également. Et que soient créés UN SYNDICAT UNIQUE DES RESTAURATEURS INDEPENDANTS (aux côtés de celui de la restauration rapide – SNARR – et de celui des chaînes – SNRTC qui, eux, sont représentatifs, soudés et efficaces, comme ils l’ont démontré sur le dossier de la TVA) et UN SYNDICAT UNIQUE POUR LES HOTELIERS car les problématiques hôtelières sont bien différentes de celles d’un restaurant. Ainsi, les indépendants de la profession seraient rassemblés sous un toit cohérent, avec une structure simple, une organisation efficace, un discours positif, une équipe dirigeante moderne, jeune, sachant défendre les vraies valeurs professionnelles et non des intérêts personnels, mettant en avant les hommes et leur travail. La tâche est lourde mais ce n’est pas parce qu’elle semble impossible qu’il ne faut pas, au-delà de l’envisager, l’entreprendre. Maintenant !

.

.

.

Suivez, rejoignez Service Attitude sur Facebook, Twitter, Linkedin, Scoopit, Pinterest

7 Responses

  1. bravo pour cet article où tu nous replonges direct dans cette atmosphère fumeuse, teintée d’une ambiance digne d’un mauvais western.
    Je rebondis tout de même sur ton dernier point résumé et ose espérer que les jeunes talents souhaitant se lancer dans le métier ne se laisseront pas démotiver par des dinosaures venus d’un autre monde!
    Amitiés
    Nathalie

  2. C’est tout à fait ça, Thierry. Combien serons-nous pour dénoncer ces pratiques, ces abus, ces méthodes mafieuses ? Qui osera enfin dire que les CHR méritent mieux que ceux qui les représentent ? Enfin, quand les gouvernements qui se succèdent comprendront-ils qu’ils doivent cesser de donner du crédit à ces écervelés ? Désespérant, vraiment désespérant. Et pendant ce temps-là, la profession a besoin de croire en son avenir. Avec des Daguin et des Chenet ?

    Amicalement,

    Mark

  3. Cécile B

    j’ose espérer que les restaurateurs et hôteliers qui ont foi en leur métier savent rester bien loin de tout cela, car ce spectacle ne mérite pas le détour !….
    bien amicalement.
    Cécile

  4. DESRUES René-Pierre

    Cela légitime ce que j’ai fait depuis près de 40 ans que j’exerce ce métier : ne pas appartenir à ces mafias, créer et animer des Clubs Hôteliers destinés à « booster » une destination, et se méfier comme de la peste de ces faux professionnels qui nous ridiculisent aux yeux du public…..Triste !

  5. Bravo pour cet article, tout à fait d’accord pour qu’une rénovation totale de la représentativité de nos métiers ait lieu.
    Comme toi, j’intervenais le mercredi sur el thème de la formation, cela n’a pas mobilisé beaucoup de monde……mais tant pis!, peut-être cela va-t-il faire naitre une prise de conscience des professionnels.

Laisser une réponse

Retype the CAPTCHA code from the image
Change the CAPTCHA codeSpeak the CAPTCHA code