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Pourquoi ériger de nouvelles barrières après les avoir fait tomber ?

Par Thierry Poupard

Le 14 juin j’ai été invité à faire une intervention lors de l’AG de la Fédération des Entreprises de Boulangerie qui rassemble des boulangers-pâtissiers de chaîne ou indépendants et des producteurs-fabricants, des détaillants et des industriels, des artisans et des patrons de terminaux de cuisson. Un gros challenge pour tenir un discours unidirectionnel devant un auditoire aussi hétéroclite. 

BoulangeriePeinture

usine

Paradoxalement, cette fédération reflète assez bien l’évolution récente du secteur de la restauration dans sa globalité qui amalgame des segments qui étaient hier opposés, à savoir ceux qui fabriquent des produits à partir d’ingrédients bruts et ceux qui passent au four des produits livrés prêts à cuire. La réalité est un peu différente puisque les artisans boulangers peuvent réchauffer toute viennoiserie et toute pâtisserie surgelée – comme un terminal de cuisson – car seul le pain doit être « fait maison ». Et en restauration traditionnelle, le débat porte actuellement sur une différenciation entre les restaurants qui travaillent des produits bruts et ceux qui sont des réchauffeurs de plats sous vide ou surgelés, les deux catégories pouvant se prévaloir de l’appellation restaurant.

 

2008 : LES BARRIERES TOMBENT ENTRE LES DIFFERENTS SEGMENTS DE LA RESTAURATION

Cet état de fait, ce mélange des genres a mis en évidence qu’il n’y avait plus de barrière entre les indépendants et les chaînes, entre les artisans et les distributeurs. Par ailleurs, au 1er juillet 2008, la baisse de la TVA de 19,8 à 5,5% a mis tout le monde sur un pied d’égalité en supprimant toute distinction fiscale entre la petite sandwicherie du coin et un chef étoilé. Bien que l’instruction fiscale qui en a suivi est à s’arracher les cheveux avec des barèmes alambiqués. Mais aujourd’hui, la polémique est relancée. A propos de la TVA, on compte ceux qui souhaitent bénéficier du nouveau taux réduit de 5% pour laisser les autres se voir appliquer le futur taux de 10% et ceux qui souhaitent maintenir un taux de TVA unique pour tous.

 

2013 : TENTATIVES D’ERIGER DE NOUVELLES BARRIERES

Apparaissent donc les partisans de distinguer fiscalement la restauration rapide à la française de celle à l’anglo-saxonne et la restauration traditionnelle des « réchauffeurs », pour simplifier. Ca ressemble à un projet à la fois anti MacDo et anti chaînes. Pourquoi faudrait-il pénaliser les uns et subventionner les autres ? Et de multiples questions surgissent : dans quel camp vont se retrouver les Subway et autres Domino’s Pizza ? Quelle sera la part de produits bruts dans la constitution des plats pour créer ce distinguo entre le fait maison et le réchauffé ? Bien avant toute cette confusion, les Maitres Restaurateurs ont défini leurs critères comme le montre cet exemple : valorisation du titre de Maître Restaurateur. Le débat s’annonce sans fin puisque les produits industriels qu’on le veuille ou non ne cessent d’envahir toutes les formes de restauration, la rapide comme celle à service à table, puisque les syndicats professionnels s’entredéchirent, pour ne pas dire s’insultent, sur des chiffres souvent opposés et dont la fiabilité est très discutable, puisque la télévision fait de l’overdose sur ces sujets, puisque le débat s’est totalement politisé et que les lobbyistes sont à pied d’œuvre.

Le long combat sur le taux de TVA unique faisait la quasi unanimité dans la profession alors que celui d’aujourd’hui récrée des niches, exacerbe les clivages et échauffe les esprits. Or, il n’est pas du tout rationnel d’admettre que des commerces exerçant la même activité, y compris avec des procédés différents, soient différenciés les uns des autres par l’interventionnisme de Bercy. La liberté de choix du consommateur ne doit-elle pas être respectée plutôt que d’orienter celui-ci vers les établissements dont les prix ne bougeront pas – malgré une baisse de deux points de la TVA ! – au détriment de ceux qui n’auront d’autre choix que de les augmenter dû à une TVA en hausse de trois points.

En ce qui concerne l’origine des produits et contrairement aux apparences, que chacun y réfléchisse ; la part des approvisionnements « made in France » de McDonald’s est exemplaire.  Et que ceux qui veulent faire la distinction entre les restaurants et les « autres », n’oublient pas que les critères de choix d’un lieu pour prendre un repas ne se limitent pas au seul plat servi. Tout cela ressemble à du communautarisme de mauvais augure.

 

2014 : CONTRE LES BARRIERES, LA TRANSPARENCE

En fait, la seule question qui mérite d’être abordée et tranchée aujourd’hui concerne l’information sur les produits servis dans la totalité des établissements. A ce jour, seule la restauration rapide est contrainte d’afficher que tel ou tel dessert est surgelé. En vertu de quoi la restauration à service à table en est-elle exemptée ? Et pourquoi les artisans boulangers n’ont-ils pas obligation de signaler les viennoiseries qui le sont ?

Nous vivons dans une société où la liberté d’information est quasi totale, où il n’y a plus de censure grâce à internet et aux réseaux sociaux, où le citoyen a besoin de transparence, ne veut pas être grugé ni qu’on lui mente. Alors, oui, la bonne « loi » à promulguer est celle qui imposera à tous les établissements de restauration, tous secteurs confondus, d’afficher si tel produit est sous vide et tel autre surgelé, preuves à l’appui. Cela a bien été mis en place sur l’origine des viandes de bœuf ! Quant à ce qu’à proposé Alain Ducasse avec un label « Restaurants de qualité » et ce que la Ministre du Tourisme souhaite avec son projet sur le « Fait Maison », ils suscitent critiques et polémiques. 

Enfin, pour que l’exercice du métier soit juste et équilibré pour tout le secteur, il est impératif que chacun puisse le pratiquer au même titre que son voisin, que les horaires d’ouvertures et les jours de fermetures puissent être les mêmes, que les charges, les aides et les contraintes soient identiques. Même taux de TVA, mêmes conditions d’exploitation, même transparence, voilà ce dont la profession a besoin. Et les meilleurs établissements seront toujours présents.

 

Cet article est paru sur snacking.fr 

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