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La restauration française a raté son rendez-vous avec l’histoire

Par Thierry Poupard

Les premiers chiffres tombent à propos de la répercussion sur les prix de la baisse du taux de TVA : un établissement sur deux selon la DGCCRF qui a effectué ses premiers contrôles depuis le 1er juillet, même estimation de la part d’Hervé Novelli, un sur trois pour Gira Conseil, deux sur trois parmi les adhérents du Synhorcat, aucune information côté Umih dont la présidente estime qu’il est trop tôt pour risquer une quantification entre bons et mauvais élèves. Conclusion : qui est crédible ?

Or, un rendez-vous avec l’histoire n’est pas une question de temps mais de date et ce 1er juillet ne restera pas inscrit dans les annales. Le consommateur français se souviendra qu’il ne s’est pas passé grand-chose, qu’il n’y a pas eu le phénomène d’ampleur escompté, en dehors des chaînes qui ont créé l’événement en appliquant toutes l’intégralité du contrat d’avenir et qui seront, probablement, les principales bénéficiaires de l’opération.

Le Big Bang était attendu et, au vu des courriers des lecteurs de la presse et des blogs sur le sujet, nombre de consommateurs s’offusquent aujourd’hui de ces restaurateurs qui récupèrent l’argent du contribuable à leur seul profit. En effet, la baisse de la TVA représentant un manque à gagner annuel net de 2,3 Mds Euros pour l’Etat, si l’on considère que la moitié du total des 154 000 cafés et restaurants (INSEE 2008) gardent cette manne pour eux, cela représente quand même 30 000 Euros par établissement…

Beaucoup de restaurateurs mal informés ont été pris de court et, d’ailleurs, on voit ici ou là des établissements afficher de nouveaux prix et communiquer timidement sur la baisse. Certains disent qu’apposer le sticker « officiel » fait craindre un contrôle de la DGCCRF. Mais qu’ont-ils donc à cacher ?.. D’aucuns prétendent qu’ils n’ont pas diminué les prix parce qu’ils ont augmenté le personnel. Invérifiable. Levez-vous donc de table pour demander au chef en cuisine si son salaire a bien été revalorisé et de combien ! D’autres affirment qu’ils préfèrent garder une réserve en prévision d’inévitables hausses du coût des matières premières. Douteux. Celles-ci ont été systématiquement répercutées sur les prix de vente et on ne voit pas pourquoi il en adviendrait autrement. D’autres encore justifient le maintien de leurs prix par le fait qu’ils ne les ont pas augmenté depuis des années. On se demande alors où l’INSEE a bien pu trouver le chiffre d’une hausse des prix des cafés et restaurants de 2% quand l’inflation est de -0,5% (12 derniers mois à juin 2009). Il y en a même qui disent avoir d’autres priorités et que la baisse des prix sera pour plus tard. Pour quand, lorsque la situation empirera ? Ceux-là confondent mesure fiscale immédiate avec promotion ultérieure.

Ce que n’ont pas compris ces gens là c’est que baisser les prix de certains produits phares, et même des fameux sept produits recommandés, n’affecte pas le vin, la bière et les autres boissons alcoolisées et laisse un revenu supplémentaire de 11,8% sur tous les autres produits dont le prix n’a pas varié. Si la sélection des produits est bien faite, le résultat est nécessairement positif. Et si l’on ajoute une légère augmentation de la fréquentation due à des prix plus attractifs (que chez le concurrent), c’est du revenu brut additionnel qui rentre dans la caisse.

Le Big Bang ne s’étant pas produit, nul besoin d’attendre la rentrée ou la fin de l’année pour tirer les premières conclusions :

1. L’image de la profession n’en sortira pas grandie auprès de sa clientèle.

2. Beaucoup de professionnels semblent avoir oublié que la fréquentation est le principal moteur de leur activité et, n’ayant pas su profiter de cette aubaine, celle-ci va continuer de stagner.

3. La hausse du ticket moyen se poursuivra comme à l’accoutumer puisque, justement, il faudra bien compenser la stagnation ou le déclin de l’activité par des augmentation de prix.

4. Rien, ou si peu, n’aura changé dans le paysage de la restauration française.

Ce rendez-vous manqué avec l’histoire, cette occasion unique qu’avaient les professionnels indépendants de séduire à nouveau le consommateur et de se relancer ne va faire qu’amplifier la standardisation, la banalisation, l’américanisation, de la restauration française : le haut de gamme restera le haut de gamme, les bons indépendants auront toujours du succès, les chaînes bien positionnées vont inexorablement accroître leurs parts de marché et les formules rapides, self service, vente à emporter et autres épiceries – restaurants vont se développer à très grande vitesse. Les établissements qui n’entrent dans aucune de ces catégories, qui sont la grande majorité, sont condamnés ou, plutôt, se sont auto condamnés. Sinon, pourquoi Didier Chenet (président du Synhorcat) lancerait-il ce cri d’alarme : “Je lance un appel solennel à tous les restaurateurs et cafetiers… La baisse de la TVA et la baisse des prix, c’est l’été de la dernière chance.”

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11 Responses

  1. denis maquin

    je vous renvoie à mon commentaire du 3 juillet. Malheureusement les restaurateurs indépendants sont trop prévisibles..Votre commentaire est très juste, l’histoire et…le client tranchera ! Ils ont tirés les dernières cartouches tant pis pour eux !

  2. Bonjour Thierry,
    Merci pour votre analyse qui me paraît très pertinente.
    Je ne suis pas un expert de la restauration et en tant que consommateur et contribuable, je suis assez choqué de voir qu’une profession peut bénéficier d’une aide directe de l’Etat sans contrepartie.
    Je me demande également ce que font les syndicats de cette profession car il me semble que ce serait à eux d’inciter fortement leurs adhérents à répercuter cette baisse.
    En tant qu’expert du pricing dans le domaine du tourisme, je me dis enfin qu’il y aurait des stratégies de prix à mettre en place pour baisser les prix sans perdre de chiffre d’affaires !
    il suffit d’un peu d’imagination …

  3. Bonjour Thierry,
    Bravo pour ce papier plus que juste…dire tout haut ce que presque tout le monde pense tout bas doit faire beaucoup de bien!!!Si je peux me permettre on pourrait rajouter qu’en plus de la sanction clients on peut imaginer la sanction gouvernementale…dans quelques mois!!
    Très cordialement

  4. fabriceff

    Bonjour,

    M. Poupard,

    J’ai l’occasion de bénéficier de votre travail régulièrement dans mon activité professionnelle.

    Dans votre analyse, perçue comme pertinente, on oublie systématiquement (car peu intérressant médiatiquement parlant) que les restaurateurs ont déjà une contrepartie à ce « cadeau fiscal ».

    En effet des aides sur leurs charges salariales leur étaient alloués depuis que M. Chirac n’avait pu tenir son engagement sur la TVA. Cette aide disparaît de fait avec la baisse de la TVA.

    Quel est le montant gagné par l’Etat ????

    De plus, je rappelle que les alcools ne sont pas assujettis au 5,5%, ce qui n’est pas évident pour le grand public…

    Tout n’est pas si évident dans ce grand RDV…

  5. M. Poupard,
    Je viens de lire votre papier sur la baisse la baisse de la TVA,(transmis par Marc Corriger) toujours facile de ce mettre à la place des restaurateurs et de faire des commentaires, mais chacun a le droit d’exprimer son opinion heureusement.
    Je suis hôtelier restaurateur mais je n’ai pas baissée mes prix.
    En premier je n’ai mandaté aucun syndicat ( j’ai quitté l’umih il y a quelques années déjà ) pour signer quoi que ce soit car il faut être bien loin de la réalité du terrain pour parapher un accord de ce type, penser qu’avec la baisse de la TVA les restaurateurs pouvaient baisser les prix, embaucher, augmenter le personnel , investir et faire les mises aux normes , nous sommes en plein rêve syndical et gouvernemental !
    Pour mon cas personnel et sans doute celui de nombreux autres je parle d’établissements avec moins de 10 employés situé en zone rurale parfois près de sites touristiques enfin de la France profonde.
    Ses restaurateurs et ses hôteliers là ont beaucoup de mal à survivre il ne savent pas combien de temps ils vont pouvoir continuer à tenir leur entreprise à flot, et la baisse de la TVA les a juste fait rêver de pouvoir vendre leurs établissements parce qu’il n’en peuvent plus ! et pour d’autre, rassurer le banquier en redorant un peu la trésorerie qui en a bien besoin, voilà la réalité du terrain !

    Pour ma part nous avons toujours essayer d’avoir des prix au plus juste et nous n’avons pas systématiquement répercuter les hausses des matières premières c’est sans doute là notre erreur.
    Mon café est à 1,40 € depuis 2004 alors que dans le même temps mon café a augmenté de 14,50 %
    mon menu du jour 10,00 € ( entrée ,plat, dessert)
    mon plat du jour à 6,50 € et cela depuis juillet 2006
    une entrée un plat un dessert à la carte coûte au maximum 31,50 € voilà ma réalité quotidienne avec au minimum 15 à 18 heures par jour et cela 6 jours sur 7 et je ne préfère pas aborder le sujet rémunération sous peine d’être taxé de menteur, mais nous n’avons ni stock option ni de parachute dorée nous sommes déjà content les mois ou nous pouvons avoir un salaire !!

    Alors pour moi le choix a été simple je dois faire des travaux de rénovation de modernisation de mise au norme et les banques ne sont pas vraiment bien disposées à l’égard des restaurateurs nous sommes sur liste rouge trop risqué nous disait-il voilà quelque mois, alors la baisse de la TVA va être utiliser pour des investissements, et pour mes collaborateurs qui vont bénéficier fin juillet d ‘une augmentation de 5% et courant 2010 une première tranche d’investissement devrait débuter si nous réussissons à passer l’hiver 2009/2010
    Voilà ma réalité quotidienne et je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir raté un RDV avec quoi que ce soit.
    Meilleures salutations
    Pascal Walter

  6. daniel MAJONCHI

    Et oui, c’est triste po les indépendants … et les chaînes/groupes vont vers une part de marché à 50% !! Mais rien de nouveau ds tout ça … Les leaders resteront leaders et renforceront leurs positions … Trop de syndicats dits représentatifs tuent l’action et la communication … Tant pis po les médiocres

  7. Laurent Kahn

    Très juste! mais ne tirons pas trop vite sur les indépendants…que dire de ce groupe de boulangerie qui réalise aussi une part importante de CA en restauration sur place ou en VAE et qui n’a rien fait sous couvert de « boulangerie… », que dire aussi de ces grands hôtels (où le café est facturé entre 2et 5€) qui ignorent complètement la baisse de TVA…
    Une chose est sure, les restaurateurs français viennent de claquer brutalement la porte à une baisse de TVA dans les autres pays…

  8. Cécile B

    Bonjour Thierry,

    Quand il y a eu l’annonce de la baisse de TVA, ma 1ère réaction a été une bouffée d’air pour mieux considérer les employés de ce métier. Ensuite, en second lieu, bon débarras des calculs interminables et débats avec les experts comptables sur la TVA 3/4 1/4 !
    pour finir, il me semble qu’elle est la seule profession qui achetait à 5.5 pour revendre à 19.6, soit un bénéfice direct dans la poche de l’état de 14.1 ! c’est énorme pour un pays dont la renommée est aussi basée sur ce métier…
    Et puis, le milieu informatique en a bien profité aussi , du coup….

    Je crois aussi que les médias sont un peu trop forts dans leurs réflexion et diffusion d’infos qui ne sont pas le reflet de la réalité … au grand public. Ils feraient mieux de valoriser ces métiers .
    Très bonne journée,
    Cécile

  9. serge grollier

    Thierry,

    visiblement tu espérais beaucoup sur cette baisse de tva car l’ enthousiasme de tes billets précédents était fort ! Si les clients réagissent comme toi….les CA continueront à baisser. La réaction ou plutot l’absence de réaction est à l’image du comportement de nos concitoyens : mettont de côté tout ce que l’on peut ; c’est toujours ça de pris ! Les réflexes d’ épargne et de pprofit court terme sont puissants !
    Les salariés réagiront soyons en sûr; si les hausses de salaires et l’ amélioration des conditions de travail ne sont pas au rdv, il va ya avoir de l’action !!

    Quelques remarques de retour d’ Italie : on facture la bas un prix des service par couvert entre 2 et 3 € en sus des plats servis. J’ai trouvé un restaurant qui sert de l’eau minérale en carafe pour 2 €, et qui conseille aaux clients de prendre plutot une bouteille de vin 75 cl que 2 apéros et 2 verres de vins. Et au total, l’addition se révèle moins élevée qu ‘en France. Ou est la différence entre nos 2 pays ?
    Ce restaurateur de Vérone comptait une équipe de 5 personnes aux pizzas, 4 en cuisine, 8 au service et je n’ai pas vu les équipes de soutien plonge etc… Au moins 200 couverts ce soir la…
    Du rêve ? Je crois plutot qu’il sagit d’investir au service et dans l’assiette pour créer la fidélisation et l’achat plaisir des clients. Les raisonnements court terme ne peuvent pas aller avec cette attitude et nous continuerons à nous ennuyer au restaurant en France!

  10. dumas

    Bonjour,

    une analyse pertinente… celle de walter. Simple, réaliste et juste. La situation des hôteliers-restaurateurs n’est, pour la grande majorité, pas plus compliquée… mais tellement complexe et difficile en fait !

  11. molinaro

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