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La restauration est à nouveau malade, oui mais pourquoi ?

Par Thierry Poupard

Mardi 16 octobre 2012, j’ai assisté à la quatrième édition de PREMIERES VISIONS dans le grand amphithéâtre du CNAM à Paris. Les orateurs sont de haut niveau et/ou de grande qualité, des « experts » comme il est d’usage de les nommer (le compte-rendu de cette réunion sera mis en ligne lundi et j’ajouterai le lien ici au moment venu). Mais le titre de cette journée organisée par le Leaders Club International est en léger trompe l’œil car, s’il est bien question de nouvelles formes de restauration, de tendances et du futur à court terme pour le secteur, le bilan de l’année en cours est largement abordé et comparé aux périodes antérieures. C’est sur ce dernier point que je voudrais aujourd’hui rebondir. 

 

QUEL SERA LE FUTUR TAUX DE TVA DANS LA RESTAURATION ?

Le « futur » taux de TVA et le point sur les négociations en cours avec le gouvernement a été débattus par les présidents des quatre plus importants syndicats patronaux : Roland Héguy (Umih) et Didier Chenet (Synhorcat) représentant une large majorité d’hôtels et restaurants indépendants, Laurent Caraux (SNRTC) pour les chaînes de restauration et Hubert Wilmer (SNARR) pour la restauration rapide. Sans revenir sur les chiffres du passé, il est clair que la baisse du taux de TVA passant de 19,6% à 5,5% a largement contribué à l’embellie dont a bénéficié l’ensemble du secteur à partir de juillet 2009. Voir le nouveau site la vérité sur la tva restauration

La fréquentation est repartie à la hausse parce que les prix ont globalement diminué et les restaurateurs ont retrouvé le moral, investi, embauché ou augmenté leurs salariés. Seulement voilà, la crise financière mondiale nous a rattrapé moins d’un an plus tard et, si 2011 a été relativement stable, il y a un réel ralentissement depuis le début de cette année. Au 1er janvier le taux de TVA est remonté de 5,5 à 7% et cela a entrainé, ne nous leurrons pas, des hausses de prix ostentatoires ou pernicieuses de la part des restaurateurs. Ce qui, indubitablement, a provoqué une baisse de fréquentation devenue sensible au printemps.

 

LA BAISSE DE FREQUENTATION EST ELEVEE DEPUIS LE DEBUT 2012 

Ensuite, sont intervenus trois spécialistes et dirigeants de sociétés d’études sur la restauration : Christine Tartanson (NPD Group), Nicolas Nouchi (CHD Expert) et François Blouin (Food Service Vision). Il n’ont pas manqué, en dépit de la notoriété de leurs sociétés et de la grande expérience de chacun, de rappeler leur méthodologie de recueil et de traitement des données. Et les résultats vont tous dans le même sens : une baisse de la fréquentation de l’ordre de 2% des établissements au premier semestre 2012, y compris dans la restauration rapide, une dégringolade à partir de juin, un indice de confiance des restaurateurs en septembre 2012 qui est à son niveau le plus bas depuis trois ans, une forte augmentation du coût des matières premières qui a été plus ou moins répercuté sur les prix de vente.  Et les augures ne sont pas favorables sur ce plan car l’étude de CHD Expert révèle que, dans l’hypothèse considérée comme la plus réaliste où le taux de TVA passerait à 12%, les restaurateurs déclarent à 79% qu’ils répercuteront cette hausse sur tout ou partie des prix de leur carte. Rien de réjouissant, c’est certain.

 

QUELLES PEUVENT BIEN ETRE LES RAISONS DE CETTE CHUTE DE LA FREQUENTATION ?

Si les analyses des syndicats et des sociétés d’études convergent, les données chiffrées sont un peu brute de décoffrage et il n’existe pas de mise en avant des facteurs qui influent sur l’orientation l’évolution de la courbe de la fréquentation des restaurants (ou du CA), dont cette chute aux deuxième et troisième trimestres. Je suis, sans faire de jeu de mot, resté sur ma faim… Alors, j’ai essayé de trouver quelques explications, quelques critères pouvant apparaître comme la cause. En voici quelques uns :

Le pouvoir d’achat

L’INSEE indique qu’au deuxième trimestre 2012, celui-ci a progressé de 0,4%, autrement dit, quasiment rien ! De son côté l’indice E. Leclerc / BIPE dit qu’il aura régressé de 1% à fin 2012. Et on voit mal la tendance s’inverser avec la perspective et les annonces de multiples augmentations des prélèvements et de hausses d’impôts qui font anticiper aux Français une diminution de leur revenu disponible à court terme. Le prix étant l’un des critères les plus importants dans le choix d’un restaurant, peut être est-ce même devenu le premier, lorsque l’on dispose de moins d’argent à dépenser, le nombre de visites suit. Dans le même mauvais sens. 

Le chômage

Au deuxième trimestre 2012 le chômage en France métropolitaine a progressé de 0,1% (très peu, mais encore…), le nombre de sans emploi est de 2,8 millions de personnes soit 9,7% de la population active. Et 3,5 millions de gens « ne travaillent pas mais souhaitent travailler » selon l’INSEE. Perte de son travail, moins d’argent et une perspective négative en pente plus ou moins douce n’incitent pas à aller au restaurant, même au fast food. 

Le moral des Français

En août 2012 68% des Français sont pessimistes dont 58% des sympathisants PS (source Ifop). Or, en général, après une élection présidentielle, le moral retrouve une petite jeunesse, comme ce fut le cas en août 2002 après l’élection de J. Chirac avec un taux de pessimistes à 34% ou, dans une moindre mesure, en août 2007 avec 50%. C’est dire si cette année l’indicateur est à un niveau inquiétant. A-t-on envie de sortir, d’aller se faire plaisir le soir au restaurant quand on a le moral en berne ?  C’est un peu comme quand on a un coup de blues ; on ne téléphone pas à une ou un ami, on reste prostré chez soi. 

Les centres commerciaux

Leur fréquentation affecte les chaînes de restaurant, pas les indépendants de centre ville. Or celle-ci a diminué de 1% sur douze mois à fin mai 2012 et de 0,6% en juin. Les soldes d’été ont permis un regain de trafic de +0,7% en juillet (source CNCC). Or, « les classes moyennes, pivots de nos consommateurs, affichent un moral en berne à cause de la crise. Les acheteurs passent plus de temps (en magasin) mais y viennent moins fréquemment. » (Christopher Wicker – Retail Consulting Group). 

Le cinéma

Il paraît que, en cas de baisse du pouvoir d’achat ou des revenus, ce sont les loisirs qui sont sacrifiés en premier lieu. De janvier à fin août 2012 la fréquentation des salles en France a diminué de 1,7%, avec des chutes de -15,5% en juillet et -20,7% en août (source CNC et Canal Plus). Mais cette industrie est également sujette aux sorties de films et, en général, ce n’est pas en été que sont lancés les blockbusters. Il n’empêche que la tendance sur le premier semestre 2012 n’a pas été bonne.

La météo

Elle a bon dos la météo. Les pluies que nous avons connues cette année on naturellement affecté l’activité des terrasses. Un restaurant qui a 40 places à l’intérieur et 20 à l’extérieur voit, les jours de précipitations, sa fréquentation chuter d’un bon tiers ! Et ce fut le lot de beaucoup d’établissements : « au deuxième trimestre 2012, sur l’ensemble de la France, la quantité d’eau recueillie est supérieure d’environ 10% à la normale. Après un mois de mars chaud et sec, les mois d’avril et mai ont été bien arrosés. Avec les pluies abondantes de juin et juillet, on enregistre des précipitations excédentaires sur la moitié nord du pays. Seul  le mois d’août a été chaud sur la plupart des régions » (Météo France). Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête, mais il n’a pas aidé la restauration. 

Restaurations alternatives

On a parlé du retour de la gamelle au bureau ou sur le lieu de travail qui expliquerait que la fréquentation des restaurants a plus diminué au déjeuner qu’au diner (NPD). Mais nous manquons d’études fiables sur ce thème. De même, il y a fort à penser que les restaurants d’entreprises, qui restent une formule de déjeuner très économique pour les salariés, tirent leur épingle du jeu, mais ces opérateurs sont quelque peu avares de chiffres, ils parlent plus volontiers de CA que de fréquentation et les études manquent pour cette année. 

Sans savoir si l’un de ces critères est déterminant pour expliquer la baisse de la fréquentation dans les restaurants, ils sont néanmoins tous plus ou moins négatifs et il est évident que leur cumul exerce un poids important sur cette modification du comportement du consommateur. Et il a craindre que cela va s’inscrire dans la durée et que le consommateur ne reviendra pas à ses habitudes d’avant la crise. 

 

A CHACUN SA VEILLE POUR SUIVRE LE MARCHE

J’ai deux indicateurs de conjoncture plus « personnels ». Le premier consiste à observer les publicités de McDonald’s : lorsque je vois un film à la télévision pour un nouveaux produit, j’en conclue que la situation est normale. Mais quand je vois des affiches sur lesquelles le prix de produits permanents et connus est fortement réduit, là je me dis que rien ne va plus. Et quand McDonald’s connaît une fréquentation négative, phénomène rarissime, c’est que l’ensemble du secteur est bien malade. Proposer le Big Mac, l’icône de l’enseigne, à 3 voire 2 Euros est le signe évident d’une tentative pour attirer le consommateur avec un prix bas appliqué à un produit sans surprise. Or, ces affiches sont apparues dès avril de cette année à Paris. 

 

Mon second indicateur est moins évident mais je l’estime néanmoins assez significatif. Il s’agit des opérations de promotion à prix cassés (-50% le plus souvent) orchestrées par Groupon à propos duquel j’ai écrit plusieurs articles dont Groupon, impression et mode d’emploi et The Groupon Paradox. Ma logique consiste à penser qu’un restaurant qui est prêt à vendre un repas à moitié prix est un restaurant dont la salle est insuffisamment remplie. Il n’a pas pour objectif, contrairement à ce qui est couramment colporté, de se faire connaître, mais de remplir son établissement en levant le frein à la fréquentation qu’est le prix. Alors, comme je vois défiler chaque jour sur mon écran d’ordinateur un nombre croissant de ces promotions, je me dis qu’il y a beaucoup de restaurants en manque de clients. Et qui, également, prennent de grands risques comme j’ai déjà pu l’expliquer. 

 

RESTAURATEURS, REAGISSEZ, AGISSEZ SUR TOUT CE QUI PEUT AMELIORER LA FREQUENTATION

Pour conclure, laissons les syndicats, pour une fois unis, faire leur travail de lobbying et de négociation. Et demandons aux sociétés d’étude d’introduire dans leur méthodologie et leur questionnaire un « pourquoi ? » à la suite d’une affirmation de l’interviewé afin de classer les raisons ou les causes des réponses. Comme ça, nous seront mieux informés à l’année prochaine.

Quant à vous restaurateurs, il faut garder le moral et vous retrousser les manches parce que, le consommateur se rendant moins souvent au restaurant, il est urgent de tout mettre en oeuvre pour qu’il effectue sa prochaine visite chez vous plutôt que chez un concurrent.  Comment ? En faisant plus de marketing comme vos confrères américains le font au quotidien avec tant d’énergie pour la plupart d’entre eux, en fidélisant votre clientèle grâce à un excellent accueil-service. Cela commence par ça, tout doit être en ordre dans la maison avant de songer à toute autre forme d’actions, avant d’aller chercher des clients nouveaux, de communiquer avec vos clients – avant, pendant et après leur visite – beaucoup mieux, beaucoup plus fort et beaucoup plus souvent que vous ne le faisiez jusqu’à présent avec un discours chaleureux en salle, et intéressant sur votre site internet, votre page Facebook, vos cartes de visite, etc. Tout cela sans un investissement financier inabordable, juste un peu de temps et énormément de volonté. Et je peux vous aider à y parvenir avec ce programme Mon restaurant et L’Internet que je vous recommande vivement de parcourir. 

 

 

Si vous avez d’autres idées à propos de facteurs et de causes de la baisse de fréquentation des restaurants, n’hésitez à les indiquer dans les commentaires ci-dessous. Ce serait très intéressant de parvenir à une liste exhaustive. 

 

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Dans un tout autre registre, je suis membre de l’association Restaurants Sans Frontières et je vous invite vivement à visiter le site. 

 

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8 Responses

  1. Heureusement que le dernier paragraphe est là pour redonner le morale et motiver les restaurateurs, parceque sinon, le constat est bien allarmant, mais c’est uen réalité . . . . malheureusement

    Pour nous, le facteur principal de baisse et de mal être de la profession, est le manque de professionalisme des acteurs. Combien de fois, dans un restaurant pourtant de bon niveau, le chef de rang ne connait pas les produit et est incapable de me guider ou de me répondre, a tel point que je ne pose plus de question, c’est bien dommage

  2. Jacques Lanarke

    Très souvent cher. Trop souvent pas bon (plats cuisinés vidés dans l’assiette) et assez souvent mal accueillis (du cadre bruyant aux toilettes sales sans compter les grimaces fréquentes du personnel… Pourquoi aller au restaurant ? (sans oublier le coup de barre sur la café !)
    Désolé d’être réaliste..
    Jacques Lanarke

  3. delphine leluc

    si pour acheter une affaire il faut regarder l’emplacement en 1, en 2 et en 3, je dirais que pour qu’elle tourne, il faut savoir accueillir en 1, en 2 et en 3 ! ça veut dire que c’est un métier et je sais de quoi je parle depuis 20 ans que je travaille dans le tourisme en général et 3 ans dans la restauration. je suis pleinement d’accord avec ce qui s’est dit, je vois trop souvent de soupe à la grimace et si les affaires sont souvent tenues en couple, il y en a toujours un qui fait la soupe ! c’est malheureux en France, on ne sait pas faire de la qualité sans sourire et plus on va dans le haut de gamme, plus les hôtes et leur staff ont peur des rides causées par les zygomatiques. Un petit mot sympa pour le client au détour d’un plat ou même de la facture et pas seulement un « ça été Monsieur » …quelle horreur ! Je suis en création d’entreprise en espérant ouvrir une crêperie dans le Grésivaudan, et je suis crêpière mais je serais au devant de mes clients car je sais que mon meilleur atout est l’accueil et le sens du service. il faut des prix juste en rapport avec la valeur ajoutée de ses produits et services…rien ne justifie un expresso à 2€ ou un bol de 3 feuilles de salade à 3 ou 4€ !!! mettez le prix sur la valeur ajoutée là où elle se démarque dans votre resto et non pas là où tout le monde le fait injustement. Et c’est justement parce qu’il y à crise qu’il faut encore plus redoubler de vigilance, d’amabilité, de convivialité, de compassion, de sourire, d’agréable…mettez-vous à la place du client car endefors de votre établissement vous êtes un client comme tout le monde ! dernière chose, si vous n’aimez pas les gens, ne restait pas au devant de la scène, ni même en back office vous risquez de déprimer votre personnel. le métier est dur et on a le droit d’en avoir marre et de vouloir arrêter, ce qu’il est sage de faire si l’on ne peut sourire à ces clients pour les garder. moi même j’espère faire de mon mieux dans mon futur restaurant.

  4. Thierry Poupard

    Depuis ce matin (vendredi 19 octobre), en boucle sur Europe1 : « la décision est prise par le Gouvernement et l’Elysée, le taux de TVA dans la restauration passera de 7 à 11 ou 12% en janvier 2013. » La messe est dite et, compte tenu de la conjoncture actuelle (cf. mon article ci-dessus), il va y avoir des dégâts… dont des licenciements. Didier Chenet, président du Synhorcat, a dit que « 1 point de TVA c’est 10 000 emplois ». Donc, si la TVA augmente de 5 points ce seront 50 000 personnes qui seront licenciées…

  5. Merci pour cet article intéressant et approfondi. Parisienne, je constate en effet non pas la baisse mais la chute de fréquentation des restaurants, et ce à tout niveau de prix. Quand on arrive à avoir une table le soir-même à une adresse courue, et que lorsqu’on arrive, la salle est vide, on commence à se poser de sérieuses questions.

    Si cela s’est creusé ces derniers mois, je pense en effet que cela est à imputer aux facteurs socio-économiques actuels (hausses d’impôts, montée du chômage, baisse du pouvoir d’achat) plutôt qu’aux prix pratiqués ou encore la qualité du service, qui a globalement toujours été médiocre, du moins à Paris.

  6. Thierry Poupard

    Vendredi 19 octobre, 13h. Le sujet de la TVA vire au mauvais goût : « Europe 1 affirme que que l’Elysée aurait décidé de porter à 11 voire 12% le taux réduit de TVA dont bénéficie la restauration. »
    « Nous démentons formellement cette augmentation du taux de TVA sur la restauration, c’est une mauvaise information », a réagi l’Elysée. »
    Source http://lexpansion.lexpress.fr/economie/

  7. Gilles

    merci pour cet éclairage
    si on regarde du coté des chaines de restauration, on constate bien le relachement depuis 1 an. Plus de mention « baisse de prix » sur les cartes et des hausses de prix 2 à 3 fois l’inflation, des départs plus ou moins volontaires (donc des licenciements ou des non reconductions de postes) et des politiques d’investissement très variables d’une enseigne à l’autre (certaines n’ouvrent quasiment pas de nouveaux restaurants tandis que d’autres s’envolent). Donc tout a été fait pour donner une image floue du secteur. Moralité, « si c’est flou, c’est qu’il y a un loup » …

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